Manque de bol, le gouvernement Akhannouch a pris les commandes du pays dans une conjoncture très peu enviable. Aux effets désastreux de plus de deux ans de crise sanitaire sur le tissu économique national sont venus se greffer les contrecoups de la crise russo-ukrainienne et son cortège de flambée des prix en cascade notamment des hydrocarbures. De quoi mettre le feu à la pompe d’essence, au panier de la ménagère et provoquer la détérioration du pouvoir d’achat des plus fragiles. Face à cette situation très délicate, le gouvernement a subventionné, via la caisse de compensation, plusieurs produits et services de base, dont les prix ont fortement augmenté sur le marché international : 17 milliards de DH pour le gaz butane, 14 milliards de DH pour l’électricité, 600 millions de DH par mois pour la farine de blé et 3 milliards de DH par an pour le sucre. L’exécutif le plus doué de la planète n’aurait pas pu faire mieux pour préserver le pouvoir d’achat des couches modestes.
A y regarder de plus près, l’onde de choc de cette crise multiforme qui met le budget de l’Etat à rude épreuve révèle les faiblesses des politiques publiques de continuité. Or, la situation du Maroc dans bien des domaines plaide pour des politiques de rupture qui tardent à venir alors qu’elles sont indispensables pour changer le destin du pays en le sortant des incertitudes qui pèsent lourd sur son développement. Du coup, les gouvernements qui se succèdent depuis l’indépendance se contentent de gérer bon an mal an l’existant entre contraintes et improvisation au lieu d’agir sur le réel pour le faire coïncider avec les aspirations légitimes de tous.
Il suffit alors que la conjoncture, à l’image de l’actuelle, soit mauvaise avec une flambée des prix des hydrocarbures et du transport international aggravée par un déficit pluviométrique sur une seule année pour que sa marge de manœuvre soit réduite et sa loi de finances caduque. Un pays comme le Maroc, compte tenu de sa structure économique, est fragile face à ces retournements de conjoncture dans un monde de plus en plus instable et en proie à plusieurs menaces (pandémies, risque de guerre, choc pétrolier, réchauffement climatique…). Cela fait beaucoup d’incertitudes qu’une économie à la merci des aléas climatiques et autres facteurs exogènes, qui plus est beaucoup moins diversifiée et faiblement industrialisée, ne saurait supporter. Reconduire les mêmes réflexes au pouvoir revient à priver le Maroc d’une chance précieuse de maîtriser son destin en amortissant les chocs de prix à l’international…
Le coût de cette imprévoyance structurelle, le Maroc le paie en tentant de jouer les pompiers en vue d’éteindre, à coup de mesures financières exceptionnelles qui mettent en péril l’équilibre budgétaire de l’État, l’incendie social qui couve sous la colère des populations démunies, éreintées par la vie chère.
Le coût de cette imprévoyance structurelle, le Maroc le paie en tentant de jouer les pompiers en vue d’éteindre, à coup de mesures financières exceptionnelles qui mettent en péril l’équilibre budgétaire de l’État, l’incendie social qui couve sous la colère des populations démunies, éreintées par la vie chère. Difficile dans ce contexte qui fait changer radicalement les priorités initiales de dresser des prévisions fiables et de tenir ses engagements de campagne… Un pays qui n’a ni gaz ni pétrole qui lui assurent une manne confortable est censé avoir des idées et de les mettre surtout en œuvre sur le terrain. Dans le cas du Royaume, il s’agit d’accélérer le rythme de diversification de son économie de telle sorte qu’elle soit moins dépendante du ciel, pour que cette grosse incertitude n’affecte pas profondément son taux de croissance. Si l’excès de soleil représente une contrainte pour l’agriculture qui a permis d’atteindre plusieurs objectifs (sécurité alimentaire, réduction de la pauvreté, export…), il peut être aussi un atout formidable pour le tourisme où le Maroc dispose d’avantages considérables. A cet égard, le tourisme rural et l’agro-tourisme, produits de niche porteurs mais encore sous-exploités, offrent d’excellentes opportunités pour peu que le terroir national soit mieux valorisé à des fins de découverte de son authenticité et de ses traditions. Très prisé par les touristes, ce tourisme, qui s’inscrit au cœur des défis du développement durable, pourrait être plus qu’une activité d’appoint puisqu’il crée de l’emploi et génère des revenus non négligeables pour les populations rurales. La société marocaine d’ingénierie touristique (SMIT), visiblement à court d’idées dans ce domaine, est tout indiquée pour être le fer de lance d’une valorisation des territoires ruraux à caractère touristique.
Conçue par le gouvernement, une politique de rupture n’a de chance de porter ses fruits que si elle est régionalisée pour son exécution par les élus ( communes et régions) dans le cadre d’un contrat-programme aux objectifs clairs dont le suivi doit être assuré rigoureusement par les représentants de l’administration du territoire. Une collaboration étroite et exigeante entre un État stratège et des collectivités locales responsabilisées est la clé de voûte de la lutte contre les disparités territoriales qui compromettent l’essor de nombre de régions en les empêchant de tirer profit de leur potentiel de croissance. Confectionné par la commission Benmoussa, salué par la pertinence de ses recommandations, le nouveau modèle de développement gagnerait à être implanté à titre d’expérience-pilote dans un territoire économiquement désavantagé mais qui a tous les atouts pour amorcer son décollage.