Face au phénomène de l’inflation qui touche depuis quelque temps les produits à la consommation dans des proportions inquiétantes, le gouvernement semble dépassé et, en dehors de la subvention mécanique accordée aux transporteurs à chaque nouvelle poussée des prix à la pompe, ne déploie pas vraiment de solutions judicieuses. Dans un pays où le revenu moyen est déjà très faible, cette passivité a de quoi inquiéter surtout que la vie chère touche des denrées de base, notamment les légumes. Si les membres de l’exécutif et leur chef font eux-mêmes leur marché, ils constateront que le fameux tajine, pilier de la pitance quotidienne des ménages à faible revenu, est de moins en moins à leur portée. Ce qui les inciterait à faire de ce dossier brûlant qui touche la vie de millions de Marocains démunis la priorité des priorités.
Si rien n’est fait pour agir sur la racine du mal, ce plat populaire deviendra bientôt un repas de riches. Avec cette vie de plus en plus chère, plus chère que certaines villes européennes voisines, c’est le chaudron social qu’on fait bouillir…Gare au feu de l’inaction !
Car au grand dam des citoyens de condition modeste, les prix des aliments du quotidien, naguère accessibles, n’arrêtent pas de prendre l’ascenseur, résultat d’une conjonction de facteurs connus comme la sécheresse, la cherté des intrants et le jeu des intermédiaires. Ceux-là contribuent grandement au renchérissement vorace des produits agricoles. Ce sont ces lobbys, que la crise a fortifiée et enrichie aux dépens du consommateur et du producteur, qui contrôlent le marché, font la pluie et le beau temps en profitant de la démission des pouvoirs publics et de la détresse financière de l’agriculteur pour imposer leur diktat: acheter sa récolte non pas à la baisse mais à vil prix. La vente se déroule souvent sur pied et le pauvre fellah est tellement paumé qu’il voit dans le spéculateur qui suce son sang un sauveur! Celui qui lui avance de l’argent qu’il n’a pas pour pouvoir survivre et ne pas crever la bouche ouverte.
Au grand dam des citoyens de condition modeste, les prix des aliments du quotidien, naguère accessibles, n’arrêtent pas de prendre l’ascenseur, résultat d’une conjonction de facteurs connus comme la sécheresse, la cherté des intrants et le jeu des intermédiaires.
Quant aux échéances de crédit, peu arrivent à y faire face et à les honorer. Y compris parmi les exploitants de taille moyenne situés dans des périmètres irrigués qui ne le sont plus en raison de la grande tension autour de l’eau que connaît le pays. Entre l’alimentation en eau potable et la Grande Hydraulique, les autorités ont fait un arbitrage en faveur de la population. Au risque de porter préjudice aux intérêts des agriculteurs qui sans eau ne sont pas en mesure d’alimenter le marché suffisamment en produits agricoles pour juguler la spirale des hausses. Le problème est encore plus crucial dans les zones bourg dont l’apport au marché a beaucoup diminué suite à la rareté des précipitations, ce qui a contribué à nourrir la spirale inflationniste. Les pouvoirs publics comptent sur les stations de dessalement par osmose inverse dont certaines sont déjà entrées en service et les ouvrages de transfert d’eau pour assurer la souveraineté hydrique et alimentaire du pays. Si le premier dispositif a l’avantage de s’appuyer sur une eau de mer inépuisable, il est porteur de bien des inconvénients dont le coût de revient assez élevé est autour de 10 DH le mètre cube.
En fait, le Maroc a besoin de mettre en œuvre une batterie de solutions durables et soutenables. Outre l’investissement dans la réutilisation des eaux usées en agriculture ou le pays accuse un retard considérable, il est temps que les dirigeants aient l’audace pour revoir le modèle agricole national très gourmand en eau et tourné essentiellement vers l’export, à la lumière du changement climatique dont les effets pèsent de plus en plus sur les cultures de la terre. Le salut viendrait sans doute des cultures adaptées aux nouvelles contraintes de ce temps fluctuant qui n’est plus aussi clément comme avant. L’agro-tourisme où le Maroc accuse un retard considérable alors qu’il possède en la matière un potentiel indéniable peut offrir une alternative viable aux victimes des variations du climat. Le soleil est une contrainte pour l’agriculture, agissons pour en faire un atout pour la ruralité.
Il y va du sort de quelque 20 millions de ruraux qui viendront, faute d’activité de substitution, grossir davantage les rangs des sans-emplois, des précarisés et des délinquants dans les grandes villes où il fait de moins en moins bon vivre.