Après le bovin, l’ovin et les poules pondeuses, le gouvernement Akhannouch envisage d’ouvrir les vannes à l’importation d’huile d’olive. Objectif: faire face à un effondrement brutal de la filière oléicole nationale qui a fait renchérir les prix au-delà du raisonnable.
En l’espace d’un an, le Maroc est passé de pays qui a restreint les exportations de son huile d’olive à celui qui en autorise l’importation ! Le basculement est saisissant. Pour un pays classé avant l’avènement du Covid en 2020 dans le top 10 des producteurs d’huile d’olive et qui encouragé par une production record de 140 000 tonnes lors de la saison 2020-2021 ( 5% de la production mondiale) lorgnait même la cinquième place, la chute est spectaculaire. Brutale. Troublante aussi.
L’alerte est donnée en octobre 2023. A cette date-là, le gouvernement Akhannouch instaure une autorisation pour exporter de l’huile d’olive afin de « stabiliser les prix à la consommation ». Une mesure qui « demeure valable jusqu’au 31 décembre 2024 », annonce, le 12 octobre 2023, le ministère de l’agriculture. Et voilà que le même ministère envisage, environ une année plus tard, d’encourager l’importation de cette denrée très prisée par les ménages marocains ! Les motifs sont les mêmes aussi bien pour les mesures de restriction de l’export que pour l’encouragement de la dynamique de l’import : la baisse drastique des récoltes d’olives attribuée officiellement à la sécheresse. Résultat : la production d’huile d’olive pour la campagne 2023-2024 a chuté selon les professionnels du secteur d’un tiers, soit
80 000 tonnes environ, contre 120 000 tonnes en 2022. Cette tendance baissière s’est aggravée en 2024 en raison de la persistance de la rareté des précipitations mais, l’excès de chaleur lors du printemps, les vagues de grêles qui ont frappé certaines régions, notamment l’Oriental et le séisme qui a dévasté El Haouz et Taroudant en septembre 2023.
La conjugaison de ces facteurs qui ont impacté la production a dans des proportions considérables ont eu comme effet la fin de l’abondance et de l’accessibilité d’il y a quelques années encore. La rareté et l’absence des stocks ont fait flamber les prix au-delà du raisonnable, devant trop chère pour le consommateur qui a du mal à digérer que l’un des produits incontournable de la cuisine marocaine devient pratiquement un produit presque de luxe. Vendue naguère dans le commerce entre 50 à 60 DH le litre, la vierge courante affiche désormais entre 90 et 100 DH tandis que l’extra vierge a grimpé à 120, voire 130 DH ! Ça ne baigne pas !
Faute de récolte et de stock, les prix de l’huile d’olive sont devenus prohibitifs..
Président de la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’olive et patron de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader), Rachid Benali, craignant que les prix n’atteignent encore des niveaux records, alerte le gouvernement pour décréter une limitation de l’exportation de l’huile d’olive.
Nouvelle aubaine
Ceux qui espéraient que la situation de l’oliveraie nationale connaîtra un début d’amélioration en 2024 ont été pour leurs frais. La baisse de la production avoisine les 50%, ce qui fera flamber davantage les prix de l’huile d’olive qui pourrait atteindre jusqu’à 150 DH pour la vierge courante. Anticipant cette pénurie chronique synonyme d’’une nouvelle dégradation du pouvoir d’achat de la population malmené par la vie chère, le ministre de l’Agriculture Mohamed Sadiki en a été réduit à envisager d’ouvrir les vannes de l’importation dans l’espoir de réguler le marché ! Une nouvelle aubaine pour les agents importateurs qui se frottent déjà les mains et activent leurs réseaux dans les pays méditerranéens producteurs mondiaux d’huile d’olive que sont l’Espagne, l’Italie et la Grèce qui malgré le fait qu’ils soient confrontés tout comme le Maroc, à la sécheresse et au changement climatique, n’ont pas pour autant vu leur production s’effondrer (lire encadré). L’Espagne détient le titre de principal producteur et exportateur d’huile d’olive au monde. Le voisin ibérique dispose d’énormes superficies d’oliveraies dans de nombreuses régions, comme l’Andalousie, la Catalogne et Jaén, et est capable de répondre à une part significative de la demande mondiale.
Principale espèce fruitière cultivée au Maroc avec une superficie de 1,2 millions d’hectares, représentant 65 % de la superficie arboricole nationale, la filière oléicole occupe une superficie de 1,2 millions d’hectares, soit 65 % de la superficie arboricole du pays. En l’espace de quelques années, le secteur a connu un développement remarquable dans le cadre du Plan Maroc Vert à coups de subventions publiques se chiffrant par centaines de milliards et de mesures très incitatives au profit des producteurs. La culture est devenue tellement attrayante que de nombreux agriculteurs, y compris de petite taille, ont abandonné, souvent sur recommandation des pouvoirs publics, la culture du blé pour se lancer dans l’oliverie réputée plus profitable que l’activité céréalière. Et elle l’est effectivement. Mais l’effondrement de la filière, tout aussi brutal, n’est certainement pas redevable seulement à la sécheresse et à l’aléa climatique.
D’où la nécessité d’interroger le PMV pour savoir ce qui a dysfonctionné malgré l’importance des subsides dont a bénéficié la filière oléicole depuis le lancement de la stratégie agricole en 2008. « Accuser juste la sécheresse dans la déroute de l’oliveraie nationale c’est un peu court comme argument, indique un professionnel, il faudra arrêter avec cette politique du bouc-émissaire climatique qui ne sert pas la cause agricole marocaine pour identifier les autres feuilles du mal ». En effet, comment expliquer l’entrée du Maroc en 2021 dans le club fermé des producteurs de l’huile d’olive et l’affaissement de ses récoltes quelques années plus tard? En être réduit aujourd’hui à importer ce produit après en avoir été exportateur laisse un arrière-goût amer…