Pris en otage par la perturbation répétitive du processus d’apprentissage, les élèves sont les principales victimes de la fâcheuse grève des enseignants du public. Mais qui s’en soucie vraiment ?
Le dossier problématique des enseignants contractuels, que l’on croyait définitivement clos avec l’adoption en concertation avec les syndicats du nouveau statut unifié des fonctionnaires de l’Éducation nationale, est revenu pour la énième fois au-devant de l’actualité. Après avoir observé une grève du 31 octobre au 2 novembre, les mécontents ont brandi la menace d’une autre grève les 7, 8 et 9 courant accompagnée d’une marche nationale à Rabat et sit in aux abords du ministère de tutelle. Ces actions de protestation sont intervenues en dépit de l’accord conclu le 30 octobre entre le chef du gouvernement Aziz Akhannouch et les syndicats les plus représentatifs du secteur. Initiatrice de ces mouvements, la coordination nationale des enseignants semble être un électron libre qui ne sent pas concerné par les engagements pris par les syndicats. C’est la même coordination qui avait paralysé l’école publique au cours des dernières années en guise de dénonciation de leur statut de contractuels institué en 2016 sous le gouvernement Benkirane pour combler le déficit en enseignants. N’étant plus considérés comme des salariés de l’État mais des académies régionales d’Éducation et de Formation (AREF), ils avaient le sentiment d’être discriminés par rapport à leurs collègues enseignants, arguant être à la merci d’un licenciement abusif et à ce titre livrés à la précarité. D’où leur revendication d’un statut de fonctionnaire et ses avantages, essentiellement la sécurité de l’emploi, que la contractualisation, estiment-ils, ne leur assurait pas. Revendication satisfaite par la signature de l’accord du 14 janvier 2023 entre le gouvernement et les principaux syndicats et qui réintègre les contractuels dans le statut de l’Éducation nationale. Ce statut unifié, qui a reçu l’approbation en conseil de gouvernement du mercredi 27 septembre 2023, nécessite la mobilisation à compter de 2024 de 9 milliards de DH supplémentaires par an à l’horizon 2027, soit près de 2,5 milliards de DH de plus par an. En vertu de ce statut, 140.000 enseignants sont titularisés dès 2023 et pourront bénéficier des promotions selon leurs échelons avec effet rétroactif sur les 5 dernières années.
Augmentation
Près de 80.000 enseignants (1/3 du corps enseignant recruté à l’échelle 10) pourront ainsi avoir accès au hors échelle sur la base des critères d’ancienneté et d’une évaluation annuelle. Côté revenu, le salaire mensuel, il est question de plus de 5.000 DH brut, soit 2.700 DH nets supplémentaires. Les cadres pédagogiques et administratifs des établissements pionniers bénéficieront d’une prime de performance d’un montant annuel de 10.000 DH net, soit 14.000 DH brut, qui profitera, à l’horizon 2026, à plus de 220.000 fonctionnaires du secteur, répartis sur plus de 7.000 établissements d’enseignement.
Par ailleurs, 40.000 fonctionnaires relevant de certaines catégories bénéficieront de l’augmentation des indemnités complémentaires, depuis septembre 2023, d’une valeur comprise entre plus de 600 et plus de 1.300 DH net par mois, soit une progression de + 80% et de +350%.
Les catégories concernées par cette valorisation sont les directeurs d’établissements et les cadres pédagogiques et administratifs, les cadres de gestion matérielle et financière au niveau des établissements, les inspecteurs toutes spécialités confondues, les conseillers d’orientation et de planification ainsi que les professeurs agrégés. Chapitre motivation professionnelle, la nouvelle réforme intègre un mécanisme basé sur les primes attribuées au personnel éducatif en fonction du rendement et de l’efficacité de chacun.
Or, cet effort financier non négligeable consenti par le gouvernement ne trouve pas grâce aux yeux des membres de la coordination nationale des enseignants qui ont formulé de nouvelles revendications : «le respect des libertés syndicales la garantie d’exercer le droit de grève conformément aux dispositions de la constitution et des conventions internationales, l’annulation des prélèvements jugés illégaux sur salaires des grévistes et le remboursement de toutes les sommes au titre des retenues.
Autre réclamation, l’annulation de toutes les sanctions disciplinaires prises à l’encontre des enseignants à cause de leur activisme. Selon une source proche du dossier, la coordination se livre au chantage en prenant en otage plus de 6 millions d’élèves en les privant de cours et d’apprentissage.
Une situation scandaleuse qui n’a pas lieu d’être et qui ne fait qu’ aggraver les problèmes de l’école publique minée par une baisse de niveau calamiteuse alors que le secteur de l’Éducation nationale englouti près du tiers du budget de l’État ( 73 milliards de DH en 2024 contre 69 milliards en 2023). Quel gâchis !
Cette contestation, qui tourne au feuilleton, a encore de l’avenir et n’augure rien de bon pour celui de l’enseignement qui a définitivement sombré dans la conflictualité stérile et la médiocrité criante.