Attendu depuis plusieurs mois, l’avis du Conseil Économique, social et environnemental (Cese) sur le bilan d’étape de la généralisation de l’AMO, a été rendu public mercredi 20 novembre 2024. Ce rapport révèle des données intéressantes et corrige bien d’autres, montrant que le système de soins national reste largement perfectible.
Cette enquête, qui risque de ne pas plaire au gouvernement, lève le voile sur certains dysfonctionnements et obstacles qui entravent encore l’accès à une santé pour tous digne de ce nom.
«Si la couverture assurantielle a remarquablement progressé, son parachèvement et sa soutenabilité présentent des marges de progrès significatives » puisque (…) « près du quart des marocains (8,54 millions de personnes) n’accède pas encore aux services de l’AMO » pour diverses raisons : absence d’immatriculation (4,97 millions de personnes, soit près de 13,51% de la population totale ou « droits fermés » pour cause d’insuffisance de durée de déclaration ou de non-paiement, volontaire ou involontaire, des cotisations dues à leurs régimes de couverture. L’avis du Cese révèle que « cette situation de fermeture de droits concerne plus de 11 % de la population totale immatriculée, soit plus de 3,56 millions personnes », Un chiffre énorme qui prive les concernés et leurs ayants-droits de se soigner.
« Pour les personnes effectivement couvertes, indique l’avis du Conseil, les droits ouverts concernent les remboursements et la prise en charge des soins ambulatoires, d’hospitalisation et des médicaments, laissant cependant à leur charge plus de la moitié des dépenses réelles. Par ailleurs, la majorité des dépenses de l’AMO est drainée vers le secteur privé de la santé, avec plus de 90% des dépenses des organismes gestionnaires des régimes des salariés du secteur privé et du secteur public effectuées auprès des établissements privés.» Une enquête réalisée par les équipes du Cese fait ressortir « un niveau de satisfaction au sujet de l’AMO ressort « modéré » de la part des personnes disposant d’une assurance et critique de la part des personnes sans couverture ». Les critiques qui reviennent souvent dans la bouche des sondés : système « complexe », « peu protecteur », y compris de la part des personnes assurées, « insuffisamment clair sur les prestations couvertes, leurs coûts, leurs conditions d’accès et leurs modalités de remboursements ». L’enquête a par ailleurs montré la « persistance de la barrière financière », pour 60% de la population non couverte et 36% de la population assurée affirme renoncer aux soins pour des raisons financières.
« Si l’objectif des 22 millions de nouveaux bénéficiaires visé par la généralisation de l’AMO à horizon fin 2022 n’a pas encore été atteint, le fait marquant à ce stade est l’extension de l’assurance-maladie à près de 14,6 millions de nouveaux immatriculés, parmi lesquels près de 11 millions par transfert de l’ex-régime RAMED vers le régime « AMO TADAMON », explique l’avis du Cese. La CNSS assure, à date, nous apprend le rapport du Conseil, la couverture de 24,5 millions d’immatriculés contre 8 millions en 2021 et traite en moyenne 100.000 dossiers par jour contre 22 000 dossiers traités en 2021. L’établissement a déployé des efforts remarquables pour la mise « en place d’un système d’information interconnecté avec plusieurs administrations centrales et établissements de soins ». Le Cese s’est félicité aussi de la « stratégie de transformation digitale [qui] a rendu possible le développement de services en ligne adaptés à chaque catégorie de population assurée, le remboursement électronique des prestations et le paiement multicanal des cotisations ». Le processus s’est appuyé également, indique l’avis du Cese, sur le renforcement des ressources humaines et l’extension de la présence territoriale de l’établissement, via son réseau d’agences. Last but not least, la CNSS « affiche désormais un délai de remboursement moyen de 9 jours des dossiers des assurés contre 12,4 jours en 2021 ». Tout en mettant en valeur ces avancées, le Cese pointe la persistance de certaines insuffisances. A cet égard, le Conseil fait remarquer que « plusieurs catégories de populations n’ont toujours pas été intégrées à l’AMO ». Parmi ces catégories figurent « les aides familiaux, représentant environ 2 millions d’actifs » [qui] ne sont couverts par aucun des régimes prévus par les textes d’extension de l’assurance-maladie obligatoire ».
Le Cese a fait également une radioscopie du secteur mutualiste qu’il a qualifié d’«acteur oublié de la généralisation.» Sur cet aspect, le Cese nous apprend que réseau mutualiste marocain est composé de vingt-huit mutuelles et d’une Union. « Ces acteurs ont réussi, entre 1919 et 2005, à fournir des services de couverture médicale grâce à la seule contribution financière de leurs membres », ajoute-t-il. Le Cese a fait également une radioscopie du secteur mutualiste qu’il a qualifié d’ « acteur oublié de la généralisation. » Sur cet aspect, le Cese nous apprend que réseau mutualiste marocain est composé de vingt-huit mutuelles et d’une Union. « Ces acteurs ont réussi, entre 1919 et 2005, à fournir des services de couverture médicale grâce à la seule contribution financière de leurs membres », ajoute-t-il. Le secteur mutualiste national dispose d’une offre de 232 unités médico-sociales. A cet égard, le Cese fait une comparaison avec la mutualité française dont les services de soins et d’accompagnement « constituent le premier réseau sanitaire et social à but non lucratif, avec plus de 2600 établissements et services sanitaires et 15 000 professionnels de santé ». Lors de leurs auditions, les dirigeants des mutuelles du secteur public et privé national ont appris aux équipes du Cese qu’ils n’ont pas été curieusement associés à l’élaboration des textes d’application de la loi cadre sur la protection sociale (n° 09-21), y compris le projet de loi n°54-23 modifiant la loi n°65-00 relative à l’AMO. Ils ont expliqué que ce dernier, intervenu en application de l’article 15 de la loi-cadre susvisée portant notamment sur « l’instauration d’un organisme unifié de gestion de ces régimes », devrait préalablement faire l’objet d’une étude d’impact.
A début octobre 2024, conclut le Cese, 31,8 millions de personnes étaient immatriculées auprès d’un des régimes d’assurance maladie existants. « Par rapport à une population totale évaluée à 36,8 millions d’habitants, cela signifie que 13,55% de la population n’est pas encore enregistrée à un régime d’assurance-maladie. A cette population non-immatriculée s’ajoutent un peu plus de 3,5 millions de personnes qui, bien qu’effectivement immatriculées, sont en situation dite de « droits fermés », et ne peuvent pas bénéficier de couverture de leurs frais de soins. » Soit au total, un peu plus de 8,5 millions de résidents ne sont pas en capacité d’accéder à une offre de soins, ce qui correspond à 23,20% de la population.