La clémence vient du ciel. Au Maroc, elle émane aussi du roi. Il a suffi qu’ il exhorte son peuple à ne pas observer le rite du sacrifice en raison de la crise du cheptel pour que les prix du mouton vivant et la viande ovine connaissent immédiatement une baisse significative. Confrontées depuis quelques années à la vie chère, les couches défavorisées ont poussé un grand ouf de soulagement. Le souverain a réussi là où le gouvernement a échoué, montrant au passage les bienfaits du boycott, le seul capable de casser cette spirale haussière troublante. Même en vendant leurs béliers à moitié prix, les éleveurs, pour la plupart des chennaqas qui sautent à la gorge des citoyens pour les entuber, restent gagnants. C’est dire que cette hausse généralisée des prix, qui se répercute en cascade sur la majorité des denrées, relève d’une mécanique artificielle. Beaucoup de producteurs agricoles s’alignent en effet sur les nouveaux prix de marché alors que leurs coûts de production n’ont pas nécessairement augmenté… Injustifié et scandaleux, ce phénomène ressemble à de la greedinflation qui consiste à augmenter les prix de vente pour tirer profit de l’inflation et gonfler sa marge bénéficiaire. Au Maroc, cette situation, que l’exécutif a longtemps expliquée par la sécheresse sans trop convaincre, est surtout provoquée par le jeu des intermédiaires et autres spéculateurs. Ce sont eux qui mettent le feu aux prix.
Opportunistes anonymes, adeptes de la « hamza », ils amassent des fortunes en faisant du négoce à titre personnel sur des biens de consommation à l’état naturel, issus directement de la terre ou de la mer. Une vérité archi-connue que le jeune poissonnier de Marrakech a fait éclater au grand jour en proposant la sardine à 5 DH le kilo seulement contre 15 à 20 DH… Qu’il s’agisse des fruits, légumes, poissons et viandes rouges ou blanches, ces rentiers voraces s’enrichissent de manière indue sur le dos à la fois des producteurs et des consommateurs. Ce sont les vrais profiteurs de cette crise artificielle qu’ils entretiennent en organisant la rareté pour maintenir cette flambée des prix et s’enrichir de manière indue. Reste à savoir dans quelle mesure ce renchérissement n’est pas le fruit d’une collusion d’intérêts…Une enquête du Conseil de la concurrence s’impose. Cette situation est d’autant plus révoltante que ce cartel, dont certains membres gravitent autour du pouvoir, n’apporte aucune valeur ajoutée sur la chaîne de commercialisation. Échappant à tout contrôle puisque les transactions se font au noir, les bénéfices mirifiques réalisés par ces rapaces du commerce peuvent se justifier à la rigueur si les intéressés agissaient en entreprises avec des salariés et des dépenses de fonctionnement ou si leurs gains venaient récompenser des efforts de valorisation, d’investissement et d’innovation. Rien de tout cela… Bien plus surprenant encore est la passivité chronique du gouvernement face à un fléau qui menace la paix sociale du fait que le citoyen lambda souffre pour assurer la pitance quotidienne de base… Mais comment sortir le pays de cet implacable engrenage des prix ? Plusieurs options sont possibles. Mais le gouvernement, agissant en spectateur, n’en a adopté aucune. Il attend une nouvelle intervention royale ?
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Les Etats-Unis passent à l’Est !
La Maison Blanche est-elle devenue un lieu pour sonner publiquement les cloches à ceux dont la tête ne revient pas à Donald Trump? Le premier à en faire la désagréable expérience est le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui s’est fait sermonner en direct comme un mauvais élève par le président américain et son vice-président. La séquence du vendredi 28 février 2025 est surréaliste, elle a sidéré le monde par sa brutalité. Il s’en est fallu de peu que Zelensky ne se fasse tabasser et jeter dehors comme un malpropre… Le Bureau ovale ne tourne plus rond. Cette scène a poussé Trump à se dévoiler un peu plus. En prenant la défense de son homologue russe contre son hôte venu lui livrer les Terres rares de son pays, Donald Trump a confirmé son alliance avec le maître du Kremlin. Gros séisme géopolitique, le président américain est passé à l’Est! Les États-Unis ont changé d’ennemi. L’ennemi ce n’est plus la Russie mais l’Europe, l’allié historique.
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L’homme qui avait de l’entregent s’en va…
Avec le décès de Mohamed Benaïssa, le Maroc perd un de ses enfants prodiges. Les plus brillants de sa génération. Rien ne prédestinait pourtant ce journaliste photographe de carrière, décédé vendredi 28 février 2025, à l’âge de 88 ans, à avoir un destin politique aussi prestigieux. Ministre de la Culture (1985-1992), ambassadeur du Maroc aux États-Unis (1993-1992) puis ministre des Affaires étrangères et de la Coopération de 1999 à 2007. Le principal atout de Mohamed Benaissa c’était son éloquence et son entregent, son sens des relations humaines et son art de recevoir. Autant de qualités qui à ce militant du RNI dont il est membre fondateur ont permis de tisser un réseau relationnel dense, notamment au cœur du pouvoir américain où il a fait du bon travail. Un parcours riche et dense largement distingué: grand officier de la Légion d’honneur en 1999, médaille municipale au Pérou en 2003, commandeur de l’Ordre du Trône en 2008, titre de docteur honoris causa de l’Université du Minnesota et le prix Cheikh Zayed des Émirats arabes unis en 2008. Le nom de Feu Benaissa est indissociable de sa ville natale, Asilah, dont il était maire depuis 2009. Ce petit bout enchanteur de l’Atlantique, il a réussi à le sortir de l’isolement en le transformant en carrefour intellectuel rayonnant grâce au moussem culturel d’Asilah qu’il a fondé en 1978 avec son compagnon de route le peintre feu Mohamed Melehi. Deux « Zailachi », férus de culture, attachés à leur ville et restés fidèles jusqu’au bout à ce rendez-vous couru par des acteurs culturels et politiques issus notamment des pays du sud. Un excellent instrument de soft power qui a contribué au rayonnement de Asilah et du Maroc.
Par Abdellah Chankou