Du taf pour Attaf

Ahmed Attaf. Le changement dans l’immobilisme.

La junte militaire algérienne a nommé un nouveau ministre des Affaires étrangères. Avec comme mission de contrecarrer les réussites diplomatiques du Royaume et redresser la diplomatie de son pays abonnée depuis des années aux déroutes en série.

Exit Ramtane Lamamra ! Bonjour Ahmed Attaf. Le dernier remaniement ministériel opéré jeudi 16 mars par la junte militaire algérienne dégage les relents d’un limogeage brutal du chef de sa diplomatie. Les spéculations allaient bon train sur les raisons de cette mise à l’écart d’un diplomate réputé chevronné.  M. Lamamra a  dû payer son échec de redorer sur  la scène africaine et arabe le blason d’un pays de plus en plus isolé. Les ambitions présidentielles de Lamamra ont dû également précipiter sa disgrâce aux yeux d’un Tebboune qui se croit assez compétent pour briguer un second mandat en 2024. Le pantin en chef de la junte a annoncé la couleur. Il est décidé à se débarrasser de tous ceux qui se croient meilleurs que lui pour diriger un État en délitement. Ahmed Attaf ne nourrit pas visiblement cette ambition.

Discours critique

Loin d’être un nouveau visage, le successeur du limogé revient  à 69 ans  à un département  qu’il avait dirigé entre 1996 et 1999. Et c’est sur lui que Tebboune et consorts comptent pour devenir « une force frappante », selon son expression qui a beaucoup fait rire sur les réseaux sociaux. Mais dans les faits l’Algérie renvoie de plus en plus l’image d’une farce jouée par une clique  de frappés… Pur produit de l’anachronisme politico-diplomatique  du système, M. Attaf présente un profil un peu différent même s’il s’est enorgueilli il y a quelques années d’être l’artisan de la décision de fermeture en 1995  de la frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie. Se sentant libre de parole après avoir quitté le pouvoir,  l’intéressé tient un discours critique sur la politique de coopération africaine de son pays tout en citant le Maroc en exemple de pays qui déploie une stratégie active de pénétration des marchés africains.

« L’Algérie redécouvre toujours l’Afrique par temps de crise, explique-t-il. Sur le ton du reproche.  Les marchés africains se sont profondément transformés. Ce sont aujourd’hui des marchés modernes et il faut pour les conquérir des produits compétitifs. Ceux qui parlent de diplomatie économique n’ont rien à exporter (…). Regardez le Maroc, Attijariwafa Bank a  réussi à supplanter les grandes banques françaises dans toute la zone franc et même au-delà en se développant aujourd’hui en Afrique de l’Est ». En dehors des hydrocarbures, des pieds de poulets et des dattes cancérigènes, l’offre exportable algérienne est nulle. Les dirigeants du pays préfèrent recourir aux importations  des produits alimentaires que de privilégier l’émergence d’une production locale. La raison en est simple : l’import leur permet de toucher de la part des fournisseurs étrangers  de substantielles commissions en devises %  dont le produit est planqué sur des comptes à l’extérieur  tandis que  le made in Algeria pèche par un potentiel d’enrichissement indue en dinars jugé inintéressant pour les profiteurs du système en civil et en treillis. Sur les relations conflictuelles entre Rabat et Alger, Ahmed Attaf est partisan du dialogue sans en préciser  toutefois les contours. «  L’approche marocaine est parcellaire, à savoir ouvrir les frontières et supprimer les visas. Nous pensons du côté algérien à une approche globale pour prendre à bras-le-corps l’ensemble des dossiers qui composent la relation algéro-marocaine», déclare-t-il en 1998 alors qu’il est toujours en fonction.

De la pure rhétorique qui ne mange pas de pain puisque rien n’a été entrepris côté algérien malgré la politique de la main tendue du Maroc pour aplanir tous les différends autour d’une table. Bien au contraire, le nouveau pouvoir en place, dirigé par le général Chengriha, s’est installé dans une posture belliciste assumée  envers le Maroc avec lequel il a rompu ses relations diplomatiques tout en l’accusant d’être à l’origine de ses turpitudes. Lors d’une rencontre télévisée, le nouveau monsieur diplomatie d’Alger a osé aussi dire quelques vérités sur le  Polisario, « dont Boumediene [ président algérien entre 1976-1978] a fait une priorité de la politique extérieure de l’Algérie », qu’il tient pour  le principal facteur  de l’échec de la construction maghrébine.

Haine maladive

On verra maintenant qu’il a repris du service s’il aura les coudées franches pour  remettre l’appareil diplomatique  de son pays sur le chemin de la raison. C’est pour cela que les premiers faits et gestes de Ahmed Attaf sont très attendus. Mais  il ne faut pas s’attendre, connaissant la nature de ce régime et sa haine maladive du Maroc, à un changement dans l’orientation diplomatique algérienne envers le Maroc avec le changement de son titulaire. Crédité d’une certaine intelligence géopolitique, M. Attaf a été justement nommé pour contrecarrer les réussites diplomatiques du Royaume et redresser la diplomatie de son pays qui collectionne depuis des années des déroutes en série. Or, le vrai problème de l’Algérie, qui lui joue des tours,  réside, à force de décisions anachroniques et d’actions imprévisibles  qui relèvent du « sot power », dans la dilapidation de son capital fiabilité et de crédit à l’international. Ces deux qualités, qui donnent du poids à la parole d’un État et renforcent sa stature dans le concert des nations, ne s’achètent pas avec des valises de pétrodollars. Telle qu’elle a été dévoyée, tournée  exclusivement contre son  voisin, l’appareil diplomatique algérien ne peut acheter que des chimères vieillissantes  comme le Polisario.

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