Retraites : La drôle de recommandation de la Banque mondiale 

Les Marocains appelés à travailler longtemps…

Intitulé « Accepter et façonner le changement: développement humain pour un Moyen-Orient et une Afrique du Nord en transition », le rapport met en lumière les fragilités démographiques du pays du fait de la baisse de la fécondité et du vieillissement de la population. 

Ahmed Zoubaïr

Le Maroc est mal barré sur le front des retraites. Alors que le débat sur fond de vives critiques autour de l’avenir du système s’intensifie notamment sur les réseaux sociaux, voilà que la Banque mondiale lance un pavé dans la mare avec un rapport qui fait froid dans le dos. Le diagnostic est aussi brutal que clair : le pays, dans sa course contre la montre démographique, doit impérativement revoir sa copie. Et comment ? En relevant l’âge de la retraite à 70 ans, voyons !

Ce rapport intitulé « Accepter et façonner le changement : développement humain pour un Moyen-Orient et une Afrique du Nord en transition » ne s’est pas seulement contenté de dévoiler des chiffres inquiétants, il a carrément mis en lumière les fragilités démographiques du pays du fait de la baisse de la fécondité et du vieillissement de la population. C’est que le Maroc a achevé sa transition démographique (7,2 enfants par femme en 1960 contre 1,97 actuellement, soit en dessous du seuil de renouvellement des générations). Une réalité alarmante révélée déjà par une enquête du HCP en juillet sans faire réagir curieusement le gouvernement. L’enquête de la Banque mondiale indique que le ratio de dépendance des personnes âgées pourrait atteindre 18% d’ici 2050. Un désastre en perspective ?

Comment dans ces conditions maintenir la viabilité des caisses de retraite et éviter leur faillite ? D’où la recommandation de l’institution financière internationale de faire travailler les Marocains jusqu’ à 70 ans ! L’objectif étant d’allonger la période de cotisation tout en réduisant la durée de la retraite, histoire d’atténuer la pression sur le système.

Le rapport va plus loin en expliquant que le Maroc souffre d’un âge de départ à la retraite prématuré dans le secteur privé, avec une moyenne de départ à 56 ans, contre une espérance de vie restante de 26 ans pour les retraités. Un paradoxe qui pèse lourdement sur les caisses de retraite, qui n’ont visiblement pas les moyens de financer une longévité pour les pensionnés jugée considérable.

Les auteurs du rapport préconisent également l’instauration d’un environnement législatif et réglementaire qui favoriserait cette « jeunesse éternelle » au travail, tout en assurant des conditions dignes. Pas question de sacrifier la qualité de vie des travailleurs âgés, mais il s’agirait plutôt de leur offrir des conditions de travail adaptées à leurs nouvelles aspirations. Ce n’est pas « travailler jusqu’à 70 ans », mais « travailler jusqu’à 70 ans… en ayant un peu de confort, tout de même ». Mais quel confort ?

Et pour couronner le tout, la Banque Mondiale recommande que ce nouveau cap soit accompagné par des investissements massifs dans la santé préventive et une meilleure qualité de vie pour les seniors. Bref, travailler jusqu’à 70 ans, oui, mais à condition de pouvoir encore marcher sans béquilles et sans courber l’échine et de bénéficier d’un panier de soins digne de ce nom. La recette de la Banque mondiale ressemble à un compromis entre la logique comptable et les contraintes de la réalité sociale.

Or, au Maroc, il ne fait pas bon être une personne âgée. A moins d’avoir eu les moyens pendant la vie active d’assurer ses arrières en achetant par exemple des points de retraite, le troisième âge est synonyme de rejet, de marginalisation et de tristesse. Ils sont ainsi plus de 3 millions de Marocains de 60 ans et plus, à subir les tourments matériels de la vieillesse. Et si la maladie surtout chronique s’en mêle, il vaut mieux implorer la délivrance pour éviter les affres de l’attente chez les médecins, le parcours (de combattant) des soins et leur caractère onéreux.

Certains sont un fardeau pour leur famille, alors que d’autres vivent dans la pauvreté et l’exclusion. Être vieux au Maroc c’est crapahuter dans un monde sans infrastructures adaptées « aux spécificités des personnes âgées », avait indiqué dans un avis publié en en 2015 le Cese qui a aussi pointé du doigt un « espace public urbain [qui] ne favorise ni la mobilité, ni une vie sociale épanouie » pour cette catégorie de la population. Une décennie plus tard, force est de constater que rien n’a été entrepris par les pouvoirs publics pour leur faciliter la vie en guise de gratitude… Une politique du grand âge, un autre angle mort ( qui s’ajoute à celui de la jeunesse) des stratégies gouvernementales, a pourtant largement sa place dans un Maroc réputé pour sa culture de solidarité bien enracinée dans la société.

Ces derniers mois, les retraités ont d’ailleurs organisé une série de marches pour protester contre la dévalorisation continue de leurs pensions. Exclus des rounds du dialogue social, absents de l’agenda des syndicats, vulnérables face à la flambée des prix, ils sont persuadés qu’ils sont victimes d’une grande injustice sociale.

C’est pour attirer l’attention du gouvernement sur leur situation sociale très difficile qu’ils ont décidé de poursuivre la mobilisation. Jusqu’à ce que leurs réclamations soient prises en compte. Il s’agit principalement de la défiscalisation des pensions de retraite sur laquelle les retraités de base ont obtenu gain de cause et leur revalorisation à hauteur de 2.000 DH par mois. Cette exonération ne bénéficie pas aux retraités du privé dont les pensions restent soumises à l’impôt sur le revenu, ce qui n’est pas du goût des intéressés qui dénoncent une injustice qui crée une inégalité entre les retraités du public et du privé.

Le gros des retraités ne sont pas assez bien lotis pour avoir une retraite décente et finir leurs jours dans la dignité. La moindre des choses pour ceux qui ont travaillé toute leur vie en faisant moult sacrifices. Si le Maroc est un Eldorado pour les retraités étrangers notamment français qui y mènent une vie de rêve grâce à leur pension qui dépasse en moyenne 2000 euros par mois, il ne l’est guère pour la majorité de ses seniors locaux livrés, eux, en raison de leurs allocations de misère, au dénuement et à l’ennui.


Vous connaissez le montant moyen d’une retraite de fonctionnaire ? Plus de 8200 dh. Et celui d’un salarié du privé ne bénéficiant pas d’une retraite complémentaire ? Environ 2700 dh !

Je vous laisse un petit moment pour encaisser le coup !

Vous comprenez maintenant pourquoi tout le monde veut être fonctionnaire ? D’autant plus qu’en termes de charge de travail, aucun risque de burn out, on est d’accord ?

Résumons… D’un côté, on a des fonctionnaires qui bénéficient de l’emploi à vie… qui ont des salaires conséquents et une promotion à l’ancienneté… qui bénéficient d’avantages innombrables… qui ne sont pas toujours tenus par des objectifs à réaliser… dont les syndicats font la pluie et le beau temps… et qui bénéficient de retraites confortables !

De l’autre, des salariés au statut précaire, généralement sous CDD… dégommables du jour au lendemain… Pas toujours payés au Smic… qui subissent harcèlement moral et autres… et qui se retrouvent à la retraite avec une pension de misère !

Et on s’étonne après ça que les ambitions de nos jeunes se résument à une planque dans un bureau confortable où on peut laisser à demain ce qu’on aurait pu faire le jour même… et où on peut même arrondir ses fins de mois de mille et une manières ! Et pour le coup, faisons confiance à nos fonctionnaires. Sur ce plan, ils sont d’une imagination débordante !.w 

N. Tallal

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