Ce qui est extraordinaire avec Lydec c’est que le client est toujours dans le tort. Par conséquent, il est traité, même s’il est dans son bon droit, en mauvais payeur doublé d’une vache à lait docile.
Cette façon de faire porte un nom : l’abus de pouvoir encouragé par le monopole. Celui-ci est en plus aggravé par l’absence d’une instance de recours, sur le mode du médiateur de l’eau et de l’énergie en France, chargé de statuer sur les litiges susceptibles de survenir dans la relation commerciale entre les deux parties. Au moment de la privatisation de l’ex-RAD de Casablanca en 1997, les pouvoirs publics ont négligé la mise en place d’un tel dispositif d’arbitrage permettant de protéger les droits des usagers contre les abus éventuels du distributeur installé dès lors dans une position où il est à la fois juge et partie. Résultat : Les abonnés, s’estimant lésés, ont beau contester le montant d’une facture d’eau ou d’électricité, ils n’ont aucun droit sauf celui de payer sans moufeter et de réclamer ensuite, en vertu de la fameuse règle aux allures de diktat imposée systématiquement par le délégataire. Y compris lorsque la faute lui incombe par négligence ou défaillance. Avec Lydec, c’est la douche froide ou la haute tension.
Un usager, bon payeur qui a toujours réglé dans les délais ses factures, l’a appris récemment à ses dépens en recevant une douloureuse de fourniture d’eau assommante. La manœuvre, qui n’est pas aussi claire que l’eau de roche, commence par l’envoi d’un SMS sibyllin sur son téléphone portable : « La relève du [mention de la date] montre une hausse de votre consommation d’eau. Lydec vous invite à vérifier vos installations. » De prime abord, le destinataire qui pense naturellement à une fuite d’eau à la maison s’empresse de les faire vérifier par un plombier comme demandé par l’opérateur. Mais rien à signaler après intervention minutieuse du professionnel. Rien ne dysfonctionne. Tout est en règle. Une semaine plus tard, soit le 15 mars, nouveau SMS par lequel Lydec invite son client à « cliquer sur le lien suivant » pour « télécharger [sa] facture. Grande et désagréable surprise. La facture est d’environ 9.000 DH. Très chère supposée fuite d’eau.
Après une petite enquête menée par le client, il s’est avéré qu’il ne s’agit pas d’une fuite comme mentionné dans le premier message de Lydec mais d’une facture de redressement à la suite d’un changement de compteur bloqué pendant quelque 300 jours. Point donc de surconsommation qui serait due à une fuite potentielle mais d’une rectification des consommations sur la base des usages habituels. Ce qui change du tout au tout les données du problème.
Pressions
Or, Lydec a visiblement manœuvré. Pour ne pas avoir à assumer sa responsabilité sur le dysfonctionnement du compteur et la consommation anormalement faible qui en (dé) coule, elle a fait porter le chapeau au client plutôt que de reconnaître sa défaillance. La lettre de réclamation adressée au fournisseur est une pure formalité. Un coup d’épée dans l’eau puisque Lydec ne met pas plus de 24 heures entre le SMS confirmant « la prise en charge de [sa] demande » et l’autre SMS de notification de « coupure d’eau » en cas de non-paiement de la douloureuse majorée, par-dessus-le marché, de la somme d’un peu plus de 100 DH au titre de « frais ». Correspondant à quoi? Mystère. Lydec lui a fait payer manifestement la défaillance technique de son compteur. Si certains mangent à tous les râteliers, Lydec boit, elle, à tous les robinets. La coupure d’eau ou d’électricité est une manière d’exercer des pressions sur l’usager en lui faisant du chantage. C’est l’arme fatale dont use et abuse le délégataire pour pousser les gens à passer à la caisse en les invitant, toujours par SMS, à contacter leur «Centre de Relation Clientèle», dont les agents, qui restent coi devant les questions des usagers, servent juste de façade à une absence de la culture client. Avec l’état d’esprit de celui qui sans garde-fous peut tout se permettre, les responsables de Lydec ne prennent même plus la peine d’envoyer des factures en papier qu’ils ont limités sans crier gare depuis des années aux lettres de rappel du moindre petit impayé ou aux avis de coupures des fournitures.
Là où les distributeurs sous certains cieux n’ont pas le droit de couper l’eau de la résidence principale même si l’usager ne paie pas ses factures et d’engager une procédure de recouvrement, Lydec a les mains totalement libres pour agir à sa guise. Les pratiques du délégataire casablancais dessinent clairement les contours d’une rente monopolistique qui lui confère tous les droits au détriment de l’usager. Toute à leur suffisance, les responsables de Lydec n’ont même pas jugé nécessaire de répondre par écrit avec les explications nécessaires à la lettre de réclamation de notre usager. Est-ce eau nette ?