Grand potentiel, petite pêche

Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts

Développer l’aquaculture c’est ménager les fonds marins en évitant l’épuisement des stocks halieutiques et s’inscrire dans la logique d’une pêche durable et raisonnée.

Le choix de la thématique en long sur les nouveaux défis qui se posent à la pêche nationale et aux opérateurs  appelés à faire décoller le secteur aquacole encore en deçà du potentiel  et des attentes. Avec ses trois filières (conchyliculture, algoculture et pisciculture), il affiche au compteur une cinquantaine de fermes aquacoles actives dont 60% sont installées dans la région Dakhla-Oued Eddahab. Malgré un littoral immense qui s’étend sur 3500 km et les opportunités considérables offertes dans ce domaine, l’aquaculture nationale reste donc peu développée en comparaison à d’autres pays voisins comme la Tunisie, l’Espagne et la Turquie. En cause, l’insuffisance des offres de financement assortis de mesures incitatives et la faiblesse de la demande en poissons d’élevage, les Marocains en général préférant les espèces sauvages pêchées directement des milieux marins. Problème donc culturel  mais pas seulement. D’autres contraintes freinent le décollage du secteur qui, conjuguées  les unes aux autres, rejaillissent sur la production annuelle. Celle-ci  reste très  modeste, ne dépassant pas, selon les statistiques de 2019, les 900 tonnes, dont 423 T d’huîtres, 273 T d’algues et 169 de loup-bar. Ces chiffres modestes montrent que l’aquaculture est à la peine au Maroc alors que le pays dispose depuis 2011 d’une agence nationale de développement de l’aquaculture (ANDA) prévue dans la stratégie Halieutis élaborée sous la période Aziz Akhannouch. Cela montre si besoin est que la vision existe et ce qui fait peut-être défaut c’est un véritable plan aquacole avec des engagements forts et concrets impliquant les pouvoirs publics, les régions et les professionnels du secteur. Filière d’avenir et  enjeu de souveraineté alimentaire qui réalise un taux de croissance annuelle de près de 8%, l’aquaculture permet  un autre grand avantage, celui de réduire la pression sur les ressources halieutiques soumises à un effort de pêche intense dicté par la demande croissante en produits de la mer.  

Développer l’aquaculture c’est  ménager les fonds marins en évitant l’épuisement des stocks halieutiques et  s’inscrire dans la logique d’une pêche durable et raisonnée. Élevage d’organismes aquatiques, né en Chine au 10ème siècle avant J.C. et introduite en Europe à partir de la Rome Antique, l’aquaculture semble  constituer aujourd’hui une réponse judicieuse aux besoins grandissants  en protéines animales. La production est destinée à la consommation humaine mais peut aussi être valorisée en farines de poisson ou dans l’industrie pharmaceutique pour la filière des algues. Autant d’opportunités  pour l’entreprenariat et l’emploi  des jeunes  qu’il s’agit d’exploiter.

Tout n’est pas rose dans l’aquaculture. A l’échelle mondiale, le secteur est pointé du doigt dans la dégradation de l’habitat aquatique via le rejet des effluents dont les aliments non consommés. L’aquaculture est considérée comme une nouvelle source de pollution  en raison de l’utilisation de certains produits chimiques  et antibiotiques. En plus de la durabilité environnementale de ses méthodes, l’aquaculture est par ailleurs accusée de ne pas substituer  de manière significative aux captures de la pêche traditionnelle et que les deux activités se superposent sans diminuer le poids de la surpêche. Comment rendre les pratiques aquacoles plus respectueuses de l’environnement et poursuivre le développement du secteur dans les conditions de durabilité requises sans pression forte sur le poisson sauvage, tel est le défi majeur qui se pose à cette filière menacée de dérives.

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