L’amateurisme en pleine action

La bourse de Casablanca a encore du chemin à faire pour se hisser aux standards recommandés…

Si vous voulez épuiser votre stock de patience et savoir ce qu’est  à l’ère numérique une mauvaise expérience utilisateur, connectez-vous au site internet de la bourse de Casablanca.

Pendant qu’il donnait son cours devant un parterre d’étudiants, un professeur de finance s’est connecté pour les besoins sur le site officiel de la bourse de Casablanca pour télécharger les cours des actions. Grosse surprise. La procédure est fastidieuse. Il fallait renseigner son numéro de téléphone et son mail et attendre plusieurs minutes pour recevoir l’information. Pour une bourse censée fonctionner en temps réel, ce n’est pas du tout pratique.
Pire encore, notre enseignant est obligé de renouveler la même  procédure (renseigner son téléphone et son mail et attendre plusieurs minutes)  à chaque nouvelle demande, ce qui tourne à un jeu fatigant et interminable, incompatible avec les fonctionnalités en termes de souplesse et de réactivité, d’une plateforme boursière digne de ce nom.Tant qu’à faire simple et rapide, pourquoi ne pas rajouter de nouvelles cases pour renseigner sa date de naissance, son pays de résidence et son statut familial, ironise notre interlocuteur.  
Imaginez maintenant un investisseur étranger, nourrissant le projet  de placer ses billes au Maroc, qui se branche sur le site web de la bourse de Casablanca.  Mauvaise expérience client au bout du premier clic et peut-être refroidissement de ses ardeurs…Effet radical.

Incohérences

Les  dirigeants de cette bourse, qui se font d’ailleurs  trop discrets,  ignorent-ils qu’à l’ère numérique façonnée par la révolution des  nouvelles technologies de l’information, l’accès rapide à l’information ou à la data , qu’elle soit d’ordre, institutionnel,  boursier, économique ou financière, est un facteur de performance  et d’attractivité d’une entreprise, d’un pays  ? Avec une telle bourse-tortue, c’est l’image d’un Maroc qui ambitionne de devenir un hub financier régional qui  en prend un sérieux coup.
En fait, bien des choses dans le site de la bourse interpellent et agacent . Le fond, la forme et l’ergonomie. Côté design, le compte n’y est pas alors qu’il s’agit d’une nouvelle version datant de juin 2023. Entre un fonds noir  pas du tout adapté, une information présentée de manière désordonnée  pour vous faire perdre du temps, le site achève de donner une  mauvaise image du marché boursier.
Essayez d’avoir la moindre information sur une société cotée et c’est la galère garantie. Il faut naviguer entre plusieurs pages qui testent réellement votre patience en temps de réponse. « L’interface noire digne d’un site d’une secte satanique ne contribue pas à le rendre sympathique», commente notre professeur de finance qui n’est pas au bout de ses peines, pointant de multiples  incohérences.  D’abord,  l’information est limitée curieusement à une période de trois ans. Pas au-delà.  Pour les analystes boursiers qui ont besoin de données sur de longues périodes, ils doivent les chercher sur des sites étrangers.
Ensuite, le site affiche les indicateurs de l’année 2022, alors que certaines sociétés cotées publient tôt leurs résultats. Dans les pages consacrées aux états financiers des entreprises, c’est tout simplement du grand art ! Entre données manquantes de plusieurs années, formats non exploitables pour l’analyse, données présentées de manière programmée à épuiser votre stock de patience, notre bourse a encore du chemin à faire  pour se hisser juste aux standards d’un pays émergent.
La bourse qui tire ses revenus des frais de transaction qu’elle facture aux investisseurs leur doit au moins un service à minima, correct, à défaut  qu’il soit de haute facture. Cela fait longtemps que la place financière de Casablanca ne fait plus rêver  comme locomotive de financement de l’économie  pour des raisons diverses. On veut juste qu’elle fonctionne normalement et fournisse la même qualité de service numérique  que certaines administrations publiques.
Finalement, la plateforme digitale de la bourse est à l’image de son atonie incarnée par le nombre des sociétés cotées coincé à 70 depuis les années 2000. Chaque année, les responsables promettent pourtant un nouveau départ  censé se traduire par plus d’introductions et une  hausse significative du volume des échanges. Promesses qui crèvent à chaque fois   comme une bulle illusoire. La preuve que le marché boursier ne marche pas et qu’il est sérieusement fâché avec l’action.

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