Comptant parmi les principaux financiers du PAM, le député de Nouaceur Abderrahim Bendaou, qui a fait fortune dans le beurre et le fromage, était réputé avoir le bras long. Jusqu’à ce début de mois de décembre…
Il fait partie des milliardaires du PAM peu connus du grand public alors que nombre de Marocains consomment au quotidien les fromages, Mozzarella et autre beurre dont sa société, Copralim, est importatrice. La gamme des produits Président, Or Blanc, Frico, Zanetti, omniprésents dans les rayons des supermarchés c’est le business de Abderrahim Bendaou, député discret de Nouaceur, secrétaire général du parti de la région Casablanca-Settat et l’un de ses grands financiers.
L’homme d’affaires a la haute main sur ce marché juteux où Copralim affiche des appétits féroces. Une réussite écrémée dans les règles de l’art ? Un opérateur du secteur livre tout de go une réponse qui laisse songeur en invitant le Canard à fourrer son bec dans le beurre et l’argent du beurre. « Abderrahim Bendaou s’est arrangé pour verrouiller le marché en employant tous les moyens pour étouffer toute concurrence», explique-t-il.
Les choses commencent peut-être à changer. La première semaine de ce mois de décembre 2023 marque un tournant inattendu dans la gestion de son business. D’habitude, les produits alimentaires qu’il importe de France, d’Italie et d’Angleterre passent comme une lettre à la poste. Sans sacrifier au contrôle réglementaire des services ONSSA au port de Tanger. Lui-même le reconnaît auprès du Canard en feignant la surprise . «Je suis vraiment étonné. C’est la première fois en plus de 20 ans d’activité qu’on me fait des misères mais je ne sais pas à quoi rime ce changement dans l’attitude d’ONSSA ».
Ce vendredi 8 décembre, changement en effet des règles du jeu ou plutôt application de la loi dans toute sa rigueur. Cinq camions semi-remorques bondés de produits laitiers destinés à Copralim sont soumis au contrôle. Un coup vache d’un adversaire? Abderrahim Bendaou panique. Il est comme sonné et se met à appeler sur leurs portables ses amis politiques, du PAM et d’autres partis, pour que ses véhicules soient dispensés de contrôle. Certains lui promettent de faire le nécessaire alors que d’autres se dérobent. Trop risqué. « Et s’il transportait des produits périmés ou des choses peu catholiques », présumait-on non sans appréhension. Celui qui est réputé dans le milieu des affaires casablancais pour avoir le bras long n’en menait pas large. Il est dans tous ses états. Toutes ses démarches et interventions se sont avérées infructueuses.
Abderrahim Bendaou a été invité sur un ton ferme par les contrôleurs d’ONSSA, une nouvelle équipe qu’il ne connaît pas a pris le relais de la coutumière, à fournir un tas de papiers qu’on ne lui demandait pas d’habitude, selon ses propres aveux. Il a fallu plusieurs jours au seigneur du fromage pour obtenir les documents et débloquer la situation. Le député du PAM n’est pas un enfant chœur. Au fond de lui-même, il sait que les vents ont commencé à tourner, qu’il doit faire son deuil du régime de faveurs qui lui était accordé et qu’il pourrait même être dans le viseur des autorités…L’ère des ombrelles est-elle terminée? Les plus avisés du landerneau politique ont aussitôt, entre la poire et le fromage, fait le lien de cette opération de contrôle inhabituelle avec l’affaire qui allait aboutir récemment à la chute de son collègue du PAM Saïd Naciri, pour trafic de drogue. Surtout que Abderrahim Bendaou fait partie des personnes interrogées par la BNPJ dans le cadre de ce dossier sulfureux. De quoi en faire tout un fromage ?