Mais c’est qui ce type qui a monté le feuilleton le plus suivi du moment par les cybernautes du cru ? Qu’est ce qui fait courir cet homme bcbg au look de voyageur de commerce qui parle aussi vite qu’un arracheur de dents ?
Ses vidéos en arabe dialectal postées sur les réseaux sociaux ne durent pas plus de 30 secondes mais c’est de l’explosif détonnant. Vues en pagaille garanties. Des tirs au bazooka. La cible n’est pas n’importe qui. Des personnalités marocaines et non des moindres issues de divers univers. Politique, business, justice… Et c’est ce qui donne de l’intérêt à l’exercice inhabituel sous nos cieux. Sa spécialité ? Révéler leurs micmacs supposés et autres accointances financières obscures avec force détails qui laissent entendre qu’il est très bien tuyauté. Les indices fournis sont suffisamment clairs pour déclencher – c’est peut être là l’objectif recherché – l’ouverture d’enquêtes éventuelles… Tous les enregistrements en question, partagés à grande échelle, ont ceci de particulier qu’ils finissent par cette phrase sibylline lancée par l’intéressé sur un ton mi-narquois, mi-roublard : « Mes hommages aux détenus politiques au Maroc ». Les potins sont assez croustillants pour tenir en haleine les fans de la médisance. A la prochaine épisode pour savoir qui sera épinglé…
Mais c’est qui ce type qui a monté le feuilleton le plus suivi du moment par les cybernautes du cru ? Qu’est-ce ce qui fait courir cet homme bcbg au look de voyageur de commerce qui parle aussi vite qu’un arracheur de dents, casquette vissée sur le crâne, lunette de vue, moustache sel et poivre finement ciselée ? De quel lieu légitime parle-il et d’où puise-t-il autant d’audace pour se permettre de dézinguer avec aplomb ceux qui passent dans l’opinion publique pour être à l’abri de la critique et même de la reddition des comptes, ces gros bonnets réputés hautement protégés et dont les agissements présumés délictuels ne sont pas non plus censés tomber dans le domaine public ? Ministres, députés, présidents de commune, magistrats de haut rang, hommes d’affaires, directeurs d’établissements publics et même un journaliste arabophone… Chacun en prend pour son grade. Personne ne semble être à l’abri de ses cafardages en série. Et ça fait forcément autant trembler les candidats potentiels que ravir l’internaute lambda. Du coup, tout le monde attend les prochaines séquences . A qui le tour ?
Hicham Jerando, c’est de lui qu’il s’agit, anime son entreprise de délation sans frontières depuis le Canada où il est installé depuis plusieurs années. Une rapide recherche sur Internet pour en savoir un peu plus sur le personnage révèle un parcours pour le moins incohérent. Sur son compte LinkedIn, il est vice-président et directeur associé (sic !) et directeur du développement commercial chez GOPS7 aéronautique. On pense automatiquement aux avions. Mais l’adresse Internet de l’entreprise s’ouvre bizarrement sur une image plein écran d’un robot culinaire intelligent. Qui vole en cuisine ?
Au gré des recherches, Hicham Jerando surgit aussi en vendeur à Montréal de vêtements et accessoires pour hommes sous sa propre marque Jerando Fashion qu’il fait visiblement fabriquer en Turquie. Le voilà qui s’écarte pour l’on en sait quelle raison de son activité de vendeur de fringues pour s’amuser à habiller pour l’hiver ses compatriotes au Maroc. Avant de basculer dans le créneau de la calomnie, Jerando animait il y a encore quelques mois sur une chaîne Youtube baptisée Tahadi Channel des émissions à caractère économique où il donne des conseils sur les business porteurs à investir et discourt sur des sujets en relation avec la nature des skills recherchées par les employeurs…
Informateurs
En somme, des lieux communs. Rien d’extraordinaire. Ni de transcendant. Mais ça permet d’avoir de la visibilité et de créer une large communauté… Un portrait qui lui a été consacré en 2020 par un site en ligne Origines Hebdo indique que l’intéressé, titulaire d’un DEUG en langue anglaise obtenu au Maroc, s’est installé pour la première fois au Canada en 1996 avant d’y revenir définitivement en 2009 après un retour au bercail où il a travaillé notamment pour une enseigne immobilière locale. Qui est véritablement Hicham Jerando? Le profil intrigue tout autant que ses motivations. Pour quels milieux ou officines roule-t-il et que cherche-t-il? Est-il un lanceur d’alerte sincère à la Don Quichotte, un professionnel de la dénonciation calomnieuse, un desesperado en service commandé ou l’instrument d’une guerre des clans au sein des certaines sphères du pouvoir ? Qui sont ses informateurs et quels sont les objectifs qu’ils poursuivent? S’agit-il, comme il l’a lui-même expliqué dans une vidéo en réponse à ceux qui l’ont interrogé sur la source de ces informations, des responsables « vertueux » révoltés par l’ampleur de la rapacité au pouvoir dont ils seraient les témoins privilégiés ? Toutes ces questions taraudent bien des esprits qui ne trouvent pas de réponse et se perdent en conjectures. En fait, Jerando a placé tellement haut la barre de la délation d’un genre nouveau en épinglant des personnalités de premier plan qu’on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon. Il ne se contente pas seulement de citer nommément ses cibles. Il se permet aussi de publier leur photo en arrière-plan.
Téméraire, voire suicidaire, il l’est assurément. Il faut avoir décidé de ne jamais remettre les pieds dans son pays d’origine, s’y ressourcer et manger son méchoui inimitable, pour se lancer dans une telle entreprise. Bourrer le mou, entretenir le mystère, brouiller les pistes, l’opération Jerando est conçue justement pour générer la confusion et s’en nourrir en même temps, histoire de tenir en respect ses victimes dont la mise en cause n’a d’ailleurs donné lieu à aucun démenti connu. Mais lui répondre n’est-ce pas entrer dans son jeu et le légitimer alors qu’on ne sait pas de quel lieu il parle et en quelle qualité ? Ni journaliste qui exerce le métier dans le respect de la déontologie en publiant des investigations en bonne et due forme, ni lanceur d’alerte en possession de documents embarrassant pour les personnes qu’il pointe du doigt, Hicham Jerando agit in fine en corbeau qui diffame à l’emporte-pièce. Sans prendre de gants. Ni fournir de preuves A y regarder de plus près, il peut avoir dans son fichier clients n’importe qui. Et si ses informateurs n’étaient que des petits manipulateurs mus par le désir de vengeance qui se servent de lui, arguments irrésistibles à l’appui, pour régler leurs comptes…