Sous les décombres, l’espoir…

Les baraques construites souvent n’importe comment n’ont pas résisté à la force de la secousse…

Le séisme du 8 septembre a fait des dégâts d’inégalé intensité dans les zones sinistrées. Alors que certaines habitations et douars se sont complètement effondrées, d’autres situés à proximité ont pu résister à la puissance de la secousse. Ce qui interroge directement la qualité du bâti et la responsabilité des autorités… Choses vues.

En venant de Marrakech, le véhicule ralentit à l’approche  des panneaux d’intersection qui  indiquent la direction  à suivre : la route Asni-Taroudant ou Moulay Brahim-Lalla Takerkoust. Nous prenons la route Asni-Taroudant, qui débouche sur  le magnifique  et non moins dangereux  col routier  de Tizi n’test, perché à plus de 2000 mètres d’altitude, qui donne à voir une nature époustouflante en traversant les massifs du haut-Atlas, riches non seulement en attraits touristiques mais aussi  en ressources minières. C’est là, dans le la montagne Tichka précisément,  que l’oued Nfis (qui accueille des balades en canoë)  dont le cours d’eau mesure 152 km,  prend sa source et se jette dans le Tensift après avoir coulé au bas de Tizi N’test  en traversant  plusieurs vallées verdoyantes.

Commune rurale d’El Haouz touché par le séisme dévastateur du 8 septembre,  située au pied du Toubkal  à quelque 47 kilomètres de la ville ocre,  Asni est le point de départ de superbes excursions et randonnées  dans la région.   Étape incontournable sur la carte du tourisme national pour les adeptes du dépaysement,  Asni qui s’offre aujourd’hui au regard est une localité qui porte les stigmates du tremblement de terre. Les maisons détruites, complètement ou partiellement, défilent sur plusieurs kilomètres . Tout comme les tentes où sont logés  les rescapés soignés à proximité  du grand hôpital militaire médico-chirurgical  sous tentes couleur vert olive  déployé à l’entrée de Asni par l’armée au lendemain de la catastrophe naturelle.    

Propices au trekking avec  ses vues panoramiques et vergers  d’oliviers, les belles vallées de Ouirgane, distantes d’à peine 20 minutes de Asni, sont un must des vacanciers qui fréquentent  le domaine de la Roseraie ou  le Sanglier qui fume. Là aussi, le séisme a frappé fort.  Douars en terre détruits, morts par dizaines et des centaines de  rescapés en détresse logés dans des tentes.  Même  images de désolation plus loin à  Tagadirt Nbour, Imgdal, Touk El Kheir, localités où les  tentes  servent d’abris provisoires  sous la surveillance d’une escouade de gendarmes et de militaires mobilisés au service des survivants. Mais c’est à une trentaine de kilomètres  de Ouirgane,  à Ijoukak, zone prisée par les touristes, que les images de ruines sont considérables. Rares sont les habitations qui ont résisté à la puissance de la secousse qui a fait plus de dégâts à Talat N’Yacoub, commune rurale située  quatre kilomètres plus loin.

Désolation

Le centre de cette  bourgade avec ses divers bâtiments, hormis la station-service Afriquia édifiée manifestement selon les normes, réduits  à un tas de ruines renvoie une image de fin du monde. Construits sur une terre surélevée  qui s’effrite,  une rangée de bicoques se sont littéralement affaissées.  

Malgré ce décor apocalyptique, les survivants gardent le sourire tout en invoquant la volonté de Dieu. Les seul commerce disponible par ici, au milieu d’une présence militaire et de protection civile, est un café mobile dont le tenancier et son assistant sont débordés par  le nombre de commandes…  Un jeune qui dit avoir perdu sa petite fille dans le sinistre  nous aborde pour demander de lui acheter du fil électrique pour les besoins de l’éclairage  de sa tente. «  Nos frères Marocains se sont occupés de tout, puisse Dieu les récompenser, on ne manque de rien », ajoute-il, avec l’air de celui qui refuse de se laisser abattre, sans oublier   de  nous inviter à partager son petit déjeuner. Cette générosité non feinte, caractéristique des habitants de ce Maroc berbère des trois Atlas,  exprimée dans la dignité des gens que rien ne brise, on la retrouve tout au long de notre circuit. A Tinmel voisin dont le douar est quasiment à terre, excepté la mosquée restée majestueusement debout. Pas l’ancienne éponyme datant du 12 siècle, située à quelques mètres de là,  qui a subi, elle, des dégâts considérables . Tout autour de cet édifice religieux chargé d’histoire par lequel on y accède en empruntant une piste difficilement praticable- une étrangeté pour un monument inestimable qui méritait une meilleure valorisation de son environnement  – s’affaire une équipe de techniciens dépêchés par le ministère de la Culture pour évaluer les dommages.  «  Pour le moment,   seule la mosquée où ont péri trois personnes la nuit du séisme monopolise l’intérêt des autorités », se désole un homme d’un certain âge qui formule l’espoir que «    le douar démoli  qui a perdu 12 âmes  sera reconstruit ». En attendant, c’est l’habitat sous les tentes pour les rescapés plantées à quelques mètres de la mosquée almohade.

Cap sur Ighil, épicentre du séisme, par le même col de Tizi N’test via un tronçon routier étroit et criblé de virages dangereux. Sinueuse, la route n’est pas assez large pour supporter le passage simultané de deux véhicules roulant en sens inverse. Ce qui impose une extrême prudence aux conducteurs. Il faut donc que l’un marque un arrêt ou recule pour que l’autre puisse passer. Désormais ouverte à la circulation, cette voie n’était accessible  plusieurs jours après  le séisme  qu’aux piétons et aux bêtes de somme en raison des éboulements de rochers qui ont bloqué  la circulation routière et retardé par conséquent  l’arrivée des aides aux sinistrés. La route n’en reste pas moins périlleuse à cause  d’une nuée de pelleteuses et de brise-roches qui œuvrent  à son élargissement  en s’attaquant aux  roches de la montagne. Là aussi,  il faut que les engins de chantier, croisés surtout au début des virages, se mettent sur le bas-côté pour frayer un passage  aux autres véhicules qui transportent pour la plupart des fournitures humanitaires pour les populations de Ighil et au-delà.

A droite de la route non goudronnée  par plusieurs endroits, on aperçoit des douars détruits  accrochés dangereusement à flanc de montagne. Au milieu de ces paysages de carte postale mués en quelques secondes en images de désolation se dresse, tel un menhir, le minaret d’une mosquée intacte. Signe de Dieu aux hommes ou preuve de la solidité de l’édifice ?  

Une voiture coincée au milieu des décombres attire soudainement les regards. Quelques hameaux construits au bord de la route, jalonnée de tentes dressées en contrebas, ne sont plus que des ruines qu’un groupe de jeunes rescapés accroupis contemplent, le regard mélancolique. Cette tragédie est quelque peu  contrebalancée par l’apparition dans  la foulée du séisme de sources d’eau inattendues dans la commune d’Ighil et d’autres zones jusque-là arides.

Dans ce haut-Atlas occidental ravagé par le séisme dont l’onde de choc a fait des dégâts jusque dans des localités de l’anti-Atlas, le sinistre n’a pas seulement fracassé les demeures, brisé des vies et des destins mais il a également dévasté des écosystèmes naturels et décimé des troupeaux. « Nous vivons du peu que nous cultivons et d’un peu d’élevage », lâche un vieillard au dos légèrement courbé rencontré à Douar Aoudif, à Ighil, où un contingent de l’armée  et une caravane médicale ont pris leurs quartiers au milieu de plusieurs dizaines de tentes de couleur bleue.

Une fillette et un garçon attirent notre regard. Chacun tire difficilement une bouteille d’eau de 5L qu’ils ont dû ramener de la rivière qui serpente en contrebas.  Si dans ces contrées meurtries  la vie  reprend lentement son cours, elle est devenue plus difficile qu’elle ne l’était avant le séisme. Ici comme ailleurs, les populations de ce Maroc sorti subitement de l’oubli ont tout perdu. Sauf le sourire et l’espoir de lendemains qui chantent…

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