L’avocat préféré des banlieues françaises c’est lui. Yassine Bouzrou, un franco-marocain de 44 ans. Le drame de Nahel, qui a mis la France à feu et à sang, l’a de nouveau propulsé au centre de la chronique médiatico-judiciaire locale. Portrait d’un pugnace.
Né en France de parents berbères originaires de Tiznit, dans le sud du Royaume, Yassine Bouzrou s’est fait un nom en défendant notamment les victimes de violences policières. Au journal Le Monde (jeudi 6/7), Yassine Bouzrou confie, à la faveur du drame de Nahel, que la justice française protège les policiers impliqués dans des violences contre les habitants des banlieues. Lui-même issu de ces quartiers difficiles (Bezons, Val-d’Oise), l’avocat parle en connaissance de cause pour avoir défendu plusieurs affaires liées aux brutalités policières. « Il n’y a pas de problème policier, il y a un problème judiciaire », assène-t-il, sur un ton ferme en énumérant les dossiers « de violences policières illégitimes » où il a eu a plaider… De l’affaire Abou Bakari Tandia, décédé en garde à vue, à Adama Traoré, décédé entre les mains des gendarmes, en passant par Zineb Redouane, mortellement touchée par un tir de grenade lacrymogène et maintenant l’affaire Nahel assassiné à bout portant par un policier motocycliste ce qui a embrasé les banlieues de France, Yassine Bouzrou se trouve naturellement propulsé au cœur de l’actualité et se fait inviter sur les plateaux télé. Toujours partant pour prendre en charge « ces parties civiles dont le parquet se désolidarise toujours », Yassine Bouzrou est de tous les dossiers sensibles, spectaculaires.
La défense de l’artiste russe, mis en examen pour « atteinte à la vie privée » dans le dossier sulfureux de l’ex-secrétaire d’État Benjamin Griveaux et celle du syndicat de police dans l’affaire Benalla. Conseil de nombreuses parties civiles (crash du vol Rio-Paris ou du scandale Lactalis.) Yassine Bouzrou est également l’avocat des parents d’un petit garçon qui a trouvé la mort dans l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. S’il a autant de succès c’est parce qu’il acquis la réputation d’un « redoutable procédurier » qui affiche d’excellentes performances : une moyenne de 7 relaxes sur 10 comparutions, ce qui lui a valu le surnom de «Relaxator» et de figurer au classement du magazine GQ 2020-2021 des avocats les plus influents de France. Les mises en liberté qu’il obtient sont impressionnantes : L’artiste russe Piotr Pavlenski, Mohamed Hideur, star du grand banditisme, dont il fait annuler la condamnation pour vice de procédure. C’est aussi grâce à sa pugnacité que le surnommé « Haurus », policier ripou, vendeur d’infos classées top secret sur le darknet, a retrouvé la liberté. Michel Courtois, un ouvrier en bâtiment accusé à tort en 2012 d’être le tueur en série de l’Essonne, lui doit aussi sa sortie de prison. Avec à son actif une quarantaine acquittements et une centaine de relaxes en douze années de métier, le jeune Yassine est devenu une star du Barreau.
Le grand exploit de Me Bouzrou et son mérite c’est d’avoir réussi à intégrer en 2007 le milieu très fermé des avocats pénalistes dominé traditionnellement par la bourgeoisie française.
on’a rien fait comme ses collègues, il déroge aux règles du parcours habituel dans le métier du Barreau. Plutôt que de devenir collaborateur dans un cabinet d’avocats qui a pignon sur rue, il s’installe à son propre compte, aussitôt son serment prêté en 2007, en mobilisant son épargne accumulée en faisant des petits jobs parallèlement à ses études de droit. « Je peux défendre tout le monde, et abandonner n’importe quel client », confie-t-il au Nouvel Obs. il le démontre en abandonnant Tariq Ramadan, poursuivi pour viols dès que son comité de soutien crie à l’islamophobie et dénonce un complot contre son client. Au même magazine, il explique les recettes de sa réussite :
« Ni relation fusionnelle ni calinothérapie. » Pas de familiarités avec les clients. Vouvoiement de rigueur. Ami, proche ou connaissance, il y a des honoraires à payer. Pas de copinage non plus avec les juges. «Mon boulot, c’est de faire des écritures ; les enjeux, c’est les qualifications retenues, et les plaidoiries devant les tribunaux.» Débit de mitraillette, regard sévère, ton clair et ferme, notre brillant pénaliste est d’un abord direct et fonceur, va droit au but sans craindre les provocations. « Intolérant à tout usage dévoyé de l’autorité», dit de lui le pénaliste Christian Saint-Palais, dont Yassine Bouzrou a été le stagiaire. Mais la réussite de ce fils d’immigrés marocains et les contradictions du système judiciaire qu’il dénonce et met au jour à l’occasion de ses plaidoiries dérange certains milieux médiatiques. C’est le cas de la chaîne LCI qui est allée jusqu’à céder à ses pulsions racistes et faire preuve d’un mépris de classe flagrant en mettant en avant ses origines sociales au lieu de parler de son ascension sociale remarquable en le présentant comme symbole de la réussite d’un enfant de l’immigration. Sur le plateau de cette chaîne, il est décrit le 20 février 2020 comme un mauvais élève affublé d’un bonnet d’âne, un avocat au parcours «assez atypique », «né d’une famille marocaine extrêmement modeste» et qui aurait « enchaîné les déboires scolaires ». Il aurait été «viré trois fois de suite jusqu’à rejoindre une école qui accepte bien de lui ouvrir ses portes.» Quelle est l’utilité d’aborder ces aspects de la vie de l’avocat si ce n’est pour tenter de lui nuire ? En effet, Yassine Bouzrou a connu un itinéraire scolaire assez compliqué, émaillé de conflits et d’exclusions : « Je ne me suis jamais laissé faire. », a-t-il il reconnu devant les médias. Ce qui ne l’a pas empêché de percer à force de persévérance tout en conservant son esprit de bagarreur jusque dans les prétoires.