La présidente de Diana Holding est impliquée dans une affaire troublante : La falsification de signature du fondateur du groupe décédé en 2016. La justice en première instance et en appel a donné raison aux héritiers qui sont déterminés à aller jusqu’au bout pour défendre leurs droits dans ce qui ressemble à une tentative de captation d’héritage. Récit …
Un tour dans le site web de Diana Holding et vous remarquez que la dernière actualité du groupe sous la rubrique « Média » remonte à septembre 2013! L’information porte sur l’annonce du lancement de « la plus grande usine Coca-Cola d’Afrique » à Tanger. Depuis cette date, aucun grand événement n’est venu mettre sous les feux de la rampe ce groupe privé d’envergure nationale dont les ramifications s’étendent de la viticulture, au négoce en passant par l’embouteillage, l’aviculture, la distribution et l’oléiculture.
A croire que la vie de Diana Holding, qui pèse 9.000 hectares, de terres agricoles, réalise un chiffre d’affaires de plusieurs milliards et fait travailler des centaines d’employés, s’est figée avec le décès le 30 septembre 2016 à l’âge de 96 ans de son fondateur Brahim Zniber que rien dans le site n’indique d’ailleurs qu’il n’est plus de ce monde. Le mot de feu Zniber avec sa photo est toujours là…comme pour veiller sur la pérennité de son empire fondé en 1956 et dont les divers produits (vins, agrumes, primeurs…) s’exportent aux quatre coins du monde.
RAS à Diana Holding ? Détrompez-vous ! Ce n’est qu’une impression qui ne correspond nullement à la réalité. L’actualité du conglomérat agro-alimentaire se déroule depuis quelque temps dans le secret des tribunaux. Le conflit oppose une partie des héritiers nés du premier mariage de feu Brahim Zniber (Ahmed Saad, Mohamed Nabil et Taher Moncef) à la deuxième femme du père fondateur Rita Maria Zniber, née Françoise Duchesne. Cette dernière, âgée de 65 ans, est l’objet d’une plainte pour usurpation de signature de son défunt mari ! Ce faux en écriture, qui constitue une infraction passible d’une peine qui peut aller jusqu’à 5 ans de prison, concerne deux documents tapés à la machine sous forme de reconnaissance de dette que Brahim Zniber aurait remis à son épouse Rita Françoise.
Batailles judiciaires
Le premier, établi à Meknès le 4 juillet 2014, d’un montant de 12 millions de DH et l’autre, rédigé le 25 août 2015 dans la même ville, fait état d’une créance de 2.400.000 DH. D’emblée, le doute s’installe : les deux de documents de reconnaissance de dette en question ne sont ni légalisés ni notariés. D’un point de vue juridique, ces écrits sont de simples papiers sans aucune valeur légale. Mais les héritiers contestent surtout devant la justice l’authenticité des signatures attribuées à leur défunt père. Le résultat du rapport d’analyse épais de 23 pages, ordonné par le tribunal de première instance de Rabat, les conforte dans leurs soupçons. Et ils sont difficilement contestables puisqu’ils émanent de l’Institut de criminalistique de la gendarmerie royale (ICGR), un organisme sérieux et à l’expertise scientifique reconnue qui utilise un matériel technologique de pointe. Après analyse des deux signatures litigieuses (pièces de question) avec les signatures authentiques (pièces de comparaison), la conclusion tombe le 14 juin 2019. Elle est sans appel : « L’écriture (et/ou la signature) de question n’a pas été établie par le nommé », c’est-à-dire feu Brahim Zniber. Patatras ! Ce qui laisse clairement entendre que les deux signatures contestées ont été bel et bien falsifiées. Ambiance…
Cette sentence est accablante pour Rita Maria Zniber qui s’est empressée, via ses avocats, de contester en appel la légalité de l’expertise de l’ICGR en arguant sur la forme que cet organisme ne fait pas partie des experts judiciaires habilités à réaliser des travaux de ce genre. S’agissant du fond, la contestataire a produit un dossier médical tendant à prouver que son défunt mari, en plus de son âge assez avancé, souffrait d’une fracture à l’épaule droite qui l’aurait empêché de reproduire sa signature exactement à l’identique… Ces arguments, tirés par les cheveux selon les avocats des héritiers, ont été jugés irrecevables par le Tribunal de première instance et par la Cour d’Appel de Rabat. Loin de s’avouer vaincue, la veuve de Brahim Zniber forme le 10 février 2020 un recours devant la Cour de cassation pour faire invalider le rapport d’expertise de l’institut de criminalistique et retourner la situation à son avantage. C’est son seul espoir pour lequel elle s’accroche bec et ongles en mobilisant une armada d’avocats alors même que les preuves sont contre elles.
Parallèlement à cette procédure, les héritiers Zniber, forts des deux jugements en leur faveur, déposent, en juin 2019, une plainte pénale pour usurpation de signature auprès du procureur du roi à Rabat. Les plaignants ont été entendus par la PJ. L’accusée aussi . Mais l’action judiciaire tarde curieusement à être déclenchée… En attendant l’issue de ces batailles judiciaires, Rita Zniber continue de jouir seule du patrimoine immense laissé par feu Brahim Zniber. Les autres héritiers du premier lit qui ont fait pourtant des études universitaires brillantes en France et aux États-Unis (HEC, Paris Dauphine, école d’architecture de Paris entre autres) en sont exclus à cause justement des deux reconnaissances de dette jugées falsifiées. Selon la défense des héritiers, ces documents ont été conçus et utilisés comme une manœuvre pour bloquer la succession dans le cadre d’une saisie-arrêt sur les biens du défunt dont les héritiers bataillent sur un autre front pour demander la levée.
Dans les faits, cette démarche, considérée comme douteuse et non dénuée d’arrière-pensées, a privé les héritiers Zniber de leur part d’héritage pendant que la femme de leur père défunt dispose à sa guise de l’ensemble des biens légués : sociétés, terrains, comptes bancaires… Sans oublier le droit d’acheter et de vendre, de nommer et de licencier. En somme, elle est la seule maîtresse à bord alors qu’elle n’est qu’une héritière parmi tant d’autres…Mais elle a tout et eux rien… A y regarder de plus près, nous sommes face aux ingrédients d’une histoire classique d’argent et d’héritage sur fond de conflit familial féroce. Les langues commencent à se délier… Les fils Zniber accusent Rita la veuve d’avoir manœuvré depuis le début pour capter l’héritage du magnat du vin, de les avoir appauvris et, pire encore, d’avoir détruit le premier foyer familial à coups d’intrigues et d’agissements hostiles… Une croqueuse d’héritage Rita Zniber ? Cette histoire digne des sagas familiales dopées à l’ego et aux coups bas, aux petites perfidies, à la vengeance et au pouvoir de l’argent commence dans le Maroc de la marocanisation. Elle débouche en 1979 sur le mariage en secondes noces de Brahim Zniber avec une pimpante jeune femme sans travail qu’était à l’époque Françoise Duchesne qui obtiendra plus tard la nationalité marocaine par décret de feu Hassan II. La franco-marocaine, qui était visiblement bien plus ambitieuse, divorcera de son premier époux, Khalid Zniber, qui n’était autre que le frère de Brahim Zniber pour épouser ce dernier qui tombe sous son charme. Hasard ou non, Brahim, avec laquelle il aura 5 enfants (qui viennent s’ajouter à deux enfants de son premier mariage avec Khalid), se trouve aussi être le plus riche des Zniber, qui était alors, à force de labeur et de persévérance, sur la bonne voie pour bâtir un grand empire agroalimentaire intégré et écrire l’une des belles success story du Royaume.
Réussite dans le business mais échec patent en vie familiale. Le patriarche natif de Salé dans les années 20 aura deux familles nombreuses. Certainement peu heureuses. Et un jeu de massacre. Le coup est très dur pour la première femme de Brahim, Touria Tazi, qui lui a donné 5 enfants et qu’il répudie sans raison valable. «Cette répudiation a été d’autant plus mal vécue par Touria que c’est elle qui a fait celui qui l’a rejeté au profit de la femme que la même Touria a également aidée financièrement en lui ouvrant généreusement la porte de sa maison », lâche, amer, un membre de la famille Zniber. « Mon père a bénéficié du soutien financier de ma mère et de sa famille pour se lancer dans les affaires et acheter, au lendemain de l’indépendance, à un colon sa première ferme de 741 hectares, située à Harzallah dans la région de Meknès », renchérit l’un des enfants de feu Brahim qui révèle que sa mère, âgée aujourd’hui de 80 ans, mène une vie modeste et paisible dans un appartement de location à Rabat. Sans se départir de la foi qui l’a toujours animée malgré les épreuves et les trahisons…
Un destin pour le moins inattendu pour cette dame issue de l’une des familles fassies les plus riches et les plus influentes dont certaines figures emblématiques comme Abbès et Mohamed ont occupé des postes prestigieux dans le service de l’État (pacha de Rabat, pacha de Fès et délégué de Tanger…). Les enfants du premier lit racontent à l’unisson que leur vie a basculé brutalement dans l’enfer aussitôt après le mariage de leur père avec Rita qu’ils accusent d’avoir isolé leur père et détruit méthodiquement sa première famille en l’appauvrissant. Ces affirmations vont à l’encontre de l’image que s’est forgée patiemment Rita Zniber, notamment via la fondation le Nid- Rita Zniber, qui s’occupe des enfants abandonnés dans la région de Meknès, qu’elle dirige depuis sa création il y a plus d’une décennie. Difficile de croire que la femme douce et souriante qui met en avant sa fibre sociale est capable de tels agissements ? Qui est finalement Rita Maria Zniber ? Ange ou démon ? Manipulatrice ou bienfaitrice ?
Satisfecit et déficits…
«Notre groupe vocation d’être en bourse, d’évoluer vers un fonds d’investissement et de nouer des partenariats gagnants à l’international », lâche, la voix pleine de désolation, l’un des héritiers de la famille Zniber qui explique qu’il a été exclu lui et ses frères de la gestion de Diana Holding. Rita Zniber se vante à droite et à gauche d’avoir développé l’empire fondé par Brahim Zniber. Mais force est de constater que ce satisfecit ne transparaît pas dans les comptes de l’entreprise. Ces derniers affichent en effet des déficits de plusieurs dizaines de millions de DH depuis que Rita Maria Zniber en a pris les rênes en 2014 alors que Diana Holding réalisait un bénéfice annuel de 150 millions de DH du temps de la gestion paternelle. Cherchez l’erreur…
Les héritiers Zniber, qui disent avoir réuni assez d’éléments compromettants sur la gestion chaotique voire douteuse du conglomérat, accusent la patronne actuelle de brader ses actifs. Pour vider le conglomérat de sa substance comme le soupçonnent fortement les enfants du défunt qui s’inquiètent sérieusement pour son avenir ? Affaire à suivre.