La procédure de redressement des entreprises en difficulté souffre d’un grand obstacle : l’amateurisme qui caractérise la fonction du syndic judiciaire, pourtant pièce-maîtresse du dispositif. Explications.
Adoptée en 2018, la loi 73.17 portant réforme du livre V du code de commerce relatif aux entreprises en difficulté demeure un chantier superbement inachevé. La raison ? la non-adoption jusqu’à ce jour du décret d’application d’un maillon essentiel de ce dispositif juridique qui marque une rupture nette dans le traitement légal du défaut de paiement : le syndic judiciaire. Ce décret (article 673) est très attendu par le monde des affaires car devant préciser « les aptitudes nécessaires à l’exercice des missions du syndic et [ses] honoraires » dans des conditions professionnelles convenables.
Mais le ministère de la Justice continue bizarrement de traîner des pieds. L’absence de ce texte règlementaire est pour le moins incompréhensible en raison du rôle clé du syndic dans le processus de sauvetage de l’entreprise en difficulté que ce soit lors de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Nommé par le tribunal de commerce et placé sous la tutelle du juge-commissaire, le syndic judiciaire est la pierre angulaire autour duquel s’articule le travail de réorganisation des entreprises en difficulté. C’est lui qui prépare avec le chef d’entreprise pendant la période d’observation le plan de continuité de l’activité, veille à la vérification des créances tout en suivant de près les états de synthèse de la société, ainsi que les indicateurs de performance financière. Objectif: pouvoir se prononcer en ayant tous les éléments en main sur la capacité ou non de l’entreprise à reprendre son activité sur de nouvelles bases, à sauvegarder les emplois et à payer ses créanciers. A cet effet, le syndic rend compte au juge-commissaire en rédigeant un rapport tous les quatre mois sur les actions menées dans le cadre de la procédure de sauvegarde ou de redressement. L’objectif étant de tout tenter, selon les termes de la loi, pour éviter à l’entreprise de finir en liquidation judiciaire qui signifie destruction des emplois et perte des créances.
Autrement dit, la profession de syndic judiciaire requiert des compétences particulières, autant financières que juridiques, pour pouvoir mener à bien les missions qui lui sont confiées. En d’autres termes , le syndic doit être assez outillé pour bien communiquer avec le juge et comprendre tous les enjeux liés à l’activité de l’entreprise et l’environnement économique où elle évolue en termes de concurrence et d’évolution du marché…
Rémunération
Comme la fonction n’est pas toujours régi par un cadre professionnel clair qui définit les attributions du syndic et les barèmes de rémunération, elle pâtit d’un certain nombre de dysfonctionnements. Le traitement des dossiers des entreprises en difficulté se fait en audience publique et ce à l’encontre du principe de confidentialité de leurs données financières. Côté honoraires, ce n’est guère motivant puisque c’est le juge commissaire qui décide de leur montant qui reste dérisoire par rapport à l’importance de la charge de travail qui peut durer jusqu’à quatre bonnes années. De quoi se demander si le sauvetage d’une entreprise défaillante représente une véritable priorité.
Non attrayante aux yeux des experts-comptables qui possèdent les compétences nécessaires pour la mener dans les règles de l’art, la profession est exercée essentiellement par des fonctionnaires de la justice qui ne disposent pas d’une formation économique pointue pour ce genre de mission. Pour le cas de la Samir, le tribunal de commerce de Casablanca a désigné un fonctionnaire au secrétariat greffe du nom de Abdelkebir Safadi après la révocation de l’expert-comptable Mohamed El Krimi. Dans un pays ou les défaillances d’entreprises se multiplient, dopées par une crise multiforme, l’adoption du décret sur les syndics judiciaires est plus qu’une nécessité, un acte de salut économique et social. «Un syndic judiciaire compétent et motivé s’investit mieux dans le processus de sauvetage des entreprises en difficulté en œuvrant pour dénicher de nouveaux investisseurs», explique une source proche du dossier. Un syndic de faillite ou de relance ? Il faut choisir.