Bon Musulman cherche sa moitié (14)

– Pourquoi tu ne ferais pas comme moi ? Au lieu d’aller chercher midi à quatorze heure !

– Comme toi ? C’est-à-dire ?

– Pas de cérémonie de mariage coûteuse… Une simple soirée où seraient uniquement conviés les proches des deux familles… Vous faites venir les « adouls » pour établir le contrat de mariage… Quelques youyous annonceront au voisinage l’heureux événement et un bon couscous pour finir… Le tout au son de quelques chansons populaires ! Crois-moi Abdelaziz, il vaut mieux garder tes économies pour les jours difficiles et il y en aura, tu sais !

Abdelaziz écoute Slimane attentivement et ne peut pas s’empêcher de lui donner entièrement raison… D’ailleurs, si ça ne tenait qu’à lui, il appliquerait à la lettre les conseils de son ami… Parce que dépenser plus de 100.000 DH pour inviter des gens qu’il connaît à peine, et qui ne se gêneront pas pour tout critiquer, c’est véritablement du gâchis ! Une somme astronomique qui permet à peine de couvrir les frais d’une fête de mariage, par les temps qui courent ! A moins que Leila ne se contente, elle aussi, d’une cérémonie minimaliste…

Ce qui est peu probable vu qu’elle attend ce grand jour depuis si longtemps et qu’elle le voudrait inoubliable ! Ah ça, pour être inoubliable, il ne risque pas de l’oublier de sitôt, Abdelaziz ! D’ailleurs, il n’y a pas que Leila… Sa mère aussi voudrait fêter l’événement en grande pompe. Elle lui a toujours dit qu’elle rêvait de voir danser son fils unique avec sa dulcinée au milieu d’une nuée de jeunes gens déchaînés sur les rythmes musicaux d’un magnifique orchestre… Et qu’elle voudrait y inviter toute la famille, même ceux du bled… Qui viendront camper chez lui pour l’occasion… Quelques jours avant la fête et quelques jours après, comme il se doit… Abdelaziz en a le vertige, rien que d’y penser ! Et dire qu’il fût un temps où les mariages ne coûtaient quasiment rien…

Certes, il fallait sacrifier un veau ou une génisse pour remplir la panse des invités mais ça s’arrêtait là… Il n’y avait ni traiteur, ni maquilleuse, ni orchestre hors de prix, ni salle des fêtes à louer ! Une tante caïdale faisait l’affaire et la « neggaffa » s’occupait de tout… Du maquillage comme des invitations, en faisant du porte-à-porte… Quant à l’ambiance, on pouvait lui faire confiance ! Et puis, il y avait la dot… Autrefois, on se contentait d’un montant symbolique…  Aujourd’hui, le « cours de la mariée » est au plus haut, et la covid-19 n’y a rien changé ! Son « fquih » lui avait dit, d’ailleurs, que du moment que son épouse travaillait, la dot ne se justifiait plus puisque sa promise avait de quoi participer aux frais… Et que la dot était, limite, « haram »…

Ce qui aurait bien arrangé Abdelaziz qui, pour une fois, trouvait que la religion n’avait pas que de mauvais côtés ! Il fallait aussi penser à aborder le sujet avec Laila, mais c’était vraiment délicat… Il ne se voyait pas en train de marchander comme au marché aux bestiaux ! Ou alors, en parler d’abord avec ses sœurs… Oui, rien de mieux que de déléguer ce point délicat ! Les femmes, entre elles, sauraient trouver un terrain d’entente… Mais dans tous les cas, il fallait penser à passer enfin aux choses sérieuses… Et passer la bague au doigt de sa dulcinée qui ne saurait attendre indéfiniment ! Alea jacta est ! (A suivre)

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