En 1930, le mot marocain « dahir » fit une entrée fracassante dans la langue française à cause du projet colonial « d’autonomie des tribus berbères dans le domaine juridique ». Un dahir au Maroc, est un décret. Le « dahir berbère », ainsi nommé au départ par ses opposants, a été promulgué le 16 mai 1930, pour régler le fonctionnement de la justice dans les tribus berbères non pourvues de tribunaux par l’application du « droit coutumier ». Il a été établi par le résident général Lucien SAINT qui a succédé au Maréchal Lyautey en 1929. Sa résidence générale au Maroc a duré 4 ans jusqu’en 1933.
Les vraies motivations de la création de ce « dahir berbère » prennent leurs racines au début du XVIIème siècle, à commencer par la bulle papale de Grégoire XV (1554-1623), fondateur et organisateur de la mission de christianisation du pays des « infidèles ». Cette mission sera représentée au Maroc par des franciscains en 1619. Plus tard, Charles de Foucauld, né le 15 septembre 1858 à Strasbourg et mort le 1er décembre 1916 à Tamanrasset, un officier de cavalerie de l’armée française devenu explorateur et géographe, puis religieux catholique, prêtre, ermite et linguiste, fit « la reconnaissance du Maroc » déguisé en juif pour pouvoir circuler librement au Maroc, a milité pour éliminer la langue arabe et l’Islam de l’Afrique du Nord. Pour Louis Massignon (1883-1962) : « C’est une question qui a été en effet pour moi un cas de conscience à la fois religieux et scientifique, pendant les années 1909 à 1913 où le Père Charles de Foucauld, par écrit et de vive voix, me pressait de consacrer après lui, ma vie à ce mouvement tournant qui devait éliminer la langue arabe et l’Islam de notre Afrique du Nord, au bénéfice de la langue française et de la chrétienté, en deux temps : (1) exhumation du tuf linguistique et coutumier primitif des Berbères ; (2) assimilation par une langue et une loi supérieures, française et chrétienne.
Comme tous les croyants et tous les débutants, j’étais très sympathique à cette thèse ; j’avais cru à l’assimilation franco-chrétienne de la Kabylie par le mouvement tournant du berbérisme, (…) puis j’ai vu que leur désislamisation des Kabyles tournerait au laïcisme maçonnique (puis à un nationalisme nord-africain xénophobe…). Martyr ne se rendait pas compte de l’ignominie de ce berbérisme, et je mis des années à m’en apercevoir et à m’en dégager ».
L’adoption du « dahir berbère » fut perçue au Maroc comme un non-respect des statuts du protectorat et une atteinte à l’unité du peuple marocain par la résidence générale de Lucien SAINT ; au point de susciter une réaction nationaliste de grande ampleur, devenue une étape essentielle du nationalisme marocain et ayant conduit, dans un premier temps notable, environ quatre ans après (8 avril 1934), à une quasi-marche arrière de la puissance coloniale. Outre le mot « Dahir», ci-dessous une liste non exhaustive de mots d’origine arabe :
Dahir : ظهير Dahir ; décret.
Derviche : درويش darwiche, fakir.
Dinar : دينار dinar, denier (monnaie d’or).
Dirham : درهم dirham : drachme (monnaie d’argent).
Djellaba : جلابة jellaba : longue chemise couvant le corps jusqu’aux pieds.
Djihad : جهاد jihad : effort ; application ; guerre sainte.
Djinn : جنّ jinne : génies ; démons.
Divan : ديوان diwane ; administration. Par extension le fauteuil où les hauts fonctionnaires de l’Empire prenaient place.
Douane : ديوانة diwana : altération du mot arabe diwane (administration) par le latin médiéval de Sicile doana, dovana (attesté depuis la fin du XIIème siècle), et qui donne l’italien moderne dogana.
Douar : دوار douar : village au Maroc.
Drogman : ترجمان tarjman : traducteur; truchement. (À suivre)