Dire que « Khouribga, c’est le phosphate », c’est sans doute, aujourd’hui, n’exprimer rien de plus qu’un truisme. Rappeler comme le fait souvent l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) avec un légitime orgueil, que cette ville, avec ses millions de tonnes annuelles, est le premier centre mondial de l’extraction phosphatière — battant de loin tous les records des autres centres miniers de la planète Terre — c’est commencer à comprendre à quel point le développement urbain de Khouribga est jusqu’ici lié, de façon étroitement parallèle, au développement minier ; à quel point aussi la contribution de la France dans les réalisations urbanistiques est prépondérante, pour ne pas dire exclusive. Dans une région de peuplement tribal quasi-nomade, la France a créé une agglomération urbaine importante à partir de 1920, à l’occasion de la seule installation d’une activité d’extraction minière, et sous la seule impulsion des ingénieurs français ayant pour finalité de développer cette activité. En 1920, à Mnina où quelques familles vivent regroupées autour d’un point d’eau au nord de l’actuelle ville de Khouribga, le petit-fils de Boujilali, le défunt seigneur de la bourgade, Mohamed Ben Jilali, Benji pour les intimes, a hérité de la seigneurie qu’il faudra partager avec son frère Salah. Benji est heureux : cette année-là, il fête deux heureux événements à la fois : la naissance de son troisième garçon Taybi (Quelqu’un de bien, en arabe) et de sa nièce Sfia (Claire, en arabe), la fille de sa sœur. Benji est très préoccupé par son expropriation par la France pour cause d’utilité publique. L’expropriation est un dispositif du droit du plus fort permettant aux cowboys de forcer les indiens à céder leur bien contre leur gré.
Quand tu n’es pas le plus fort, il faut faire comme le Sultan Hassan 1er, retarder l’échéance en négociant ! A l’instar de ses aïeux, Benji avait beaucoup roulé sa bosse : il est même allé chercher du sel de roche à dos de chameau du côté de Tombouctou au Mali: soit 7 000 km aller/retour depuis l’actuelle Khouribga selon l’application Maps de Google. Benji va négocier avec les nouveaux arrivants l’échange de ses terres nécessaires à l’implantation de la future forêt d’Eucalyptus au nord du futur village des cadres de la future mine des phosphates contre des terres plus loin au sud, du côté d’Elga3da. C’est un deal asymétrique de cowboy : on vous prend vos terres ici, à vous d’aller plus au sud vous battre entre voisins, cousins, frères et sœurs pour délimiter l’équivalent de ce qu’on vous a pris. Tant pis si les terres plus au sud sont rocailleuses et infestées de palmiers nains ! A vous de les nettoyer pour en faire des terres labourables ! Et puis, vous battre les uns contre les autres, c’est inscrit dans vos gènes ! Ça vous occupera entre deux campagnes agricoles! Dans le package de la négociation, les notables de la région devaient aussi accepter d’être enrôlés comme goumiers pour aller « pacifier » les tribus berbères du bled Siba (pays de l’anarchie), les ancêtres d’Éric Zemmour. Ce fier descendant des Juifs berbères est toujours en guerre sur les plateaux de télévision contre les descendants des goumiers. Pour assouvir sa haine, il est grassement payé par l’armurier Dassault (Figaro Magazine) et Vincent Bolloré (CNews), vampire françafricain : la fameuse France à fric qui pompe la France Afrique.
Ça ne change rien à l’existence de Benji car depuis des lustres ses ancêtres passaient leur temps à guerroyer contre les Chaouias des Ouled Hriz (Settat, Berrechid…). Au moins cette fois-ci, c’est la raie publique qui prend en charge leurs armes et frais pour aller « pacifier » les Chleuhs. Benji part combattre à l’Est de Mnina du côté de Tadla, Khénifra et Beni-Mellal sous le commandant de militaires français. (A suivre)