Khouribga, une ville française… (52)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates est transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca. Le gisement des Ouled Abdoun à Boujniba, dans les environs de la future ville de Khouribga, est le premier à être exploité. En septembre 1924, le Sultan Youssef, himself, visite les mines de Khouribga.  C’est la première fois qu’un souverain marocain visite les installations de l’OCP. La tournée du sultan a fait la une de la presse de l’époque. Le sultan Youssef est le plus jeune des trois fils d’Hassan Premier, né en 1881. Né d’une mère circassienne de Syrie, le Sultan Youssef vit le jour dans le palais impérial de Meknès, mais passa sa jeunesse dans celui de Fès. Son enfance fut bercée par les dernières années du règne de son père, puis son adolescence et ses débuts dans la vie d’adulte par les règnes de ses deux demi-frères aînés. Les deux sultans qui le précédèrent furent le Sultan Abdelaziz (1894-1908) et le Sultan Abdelhafid (1908-1912). A la mort d’Hassan Premier en 1894, son fils ainé, Abdelaziz, encore mineur, devint un jeune sultan de seize ans, sous la « régence » de Ba Ahmad pendant six ans. Plus tard, il sera détrôné en faveur de son autre frère, le Sultan Abdelhafid en 1908 qui ne régna que 4 ans, jusqu’à la signature du Protectorat. Le Sultan Youssef régna pendant 15 ans entre 1912 et 1927 et fut le deuxième sultan ayant exercé sa fonction pendant les protectorats français et espagnol au Maroc. Son règne fut agité et marqué par de fréquentes révoltes du bled Siba (pays de l’anarchie : des tribus, sous la conduite de potentats locaux, souvent prétendants au trône, ne reconnaissaient pas l’autorité du Sultan) qu’ils voyaient arriver une fois par an avec son armée pour lever les impôts (généralement une partie des récoltes pour le Magasin du Sultan (ma5zen)).

Le 13 août 1912, le Sultan Youssef succéda à son demi-frère, le Sultan Abdelhafid, signataire du traité franco-marocain établissant à partir de mars 1912 le protectorat français, après son abdication de la veille. Dans la foulée, son « éducation politique » fut confiée au Général Gouraud. Ce Gouraud parisien, réussit en 1888 le concours d’entrée au lycée militaire de Saint-Cyr. À sa sortie de cette prestigieuse école, Gouraud espère partir gambader outremer ; mais son père s’y oppose et il est affecté au 21ème bataillon de chasseurs à pied dans la pas-du-tout exotique ville de Montbéliard (célèbre de nos jours pour ses usines Peugeot et d’Alstom et pour son club de foot Sochaux, club formateur du virevoltant international marocain Jawad Zaïri). De nombreuses familles de Khouribga, dont les Ouled 5iti Zohra, ont émigré dans la région d’Héricourt et de Sochaux Montbéliard pour travailler dans les usines de production d’acier (actuellement propriété de l’Indien Arcelor Mittal). Soutenu dans son projet par sa mère, Gouraud part en 1894 au Mali. Il parvient à mettre la main sur un chef mandingue, Samory Touré, trafiquant d’esclaves que les Français cherchaient depuis plus d’une décennie et devient la célébrité du tout-Paris colonial où il fait la connaissance des futurs fondateurs du « parti colonial ». Grâce à l’actif soutien de ce parti et de son chef Eugène Étienne, Gouraud va enfin pouvoir aller gambader à sa guise, contre l’avis de son père, en sillonnant l’Afrique. Le Sultan Youssef s’établit en octobre 1912 avec sa cour à Rabat, devenue capitale du protectorat français du temps du Sultan Abdelhafid, sur décision de Lyautey. Son fils, le futur roi Mohamed V du Maroc, alors âgé de trois ans, lui, resta à Fès avec le précepteur Si M3ammeri pour lui enseigner la langue française.

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