Khouribga, une ville française… (56)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates est transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca. Le gisement des Ouled Abdoun à Boujniba, dans les environs de la future ville de Khouribga, est le premier à être exploité. En septembre 1924, le Sultan Youssef, himself, visite les mines de Khouribga.  

C’est la première fois qu’un souverain marocain visite les installations de l’OCP. Exaspérés par le caractère sans-souci des Abdounis, les managers français se mirent à recruter des Soussis, du côté d’Agadir. En effet, l’absentéisme des autochtones excède les managers français : les Abdounis, contrairement aux Soussis, sont des sans-souci qui disparaissent dès qu’ils ont touché la paie et ne reviennent à la mine que quand ils ont fini de labourer ou de moissonner ou de battre le blé. C’est du douar Aguerd Oudad, du côté de Tafraout, dont les forces vives ont émigré à Casablanca, que le jeune Ahmed Oulhaj Akhannouch monte à Casablanca tenter sa chance en ouvrant une petite épicerie pour vendre du pétrole au détail. Doué d’un sens du business hors du commun, il développe rapidement un réseau de distribution comptant sept épiceries qui vendent le pétrole dans des bouteilles d’un litre. Un siècle plus tard, son fils Aziz est nommé premier ministre du Maroc par l’arrière-petit-fils du Sultan Youssef.

En 1926, le sultan Youssef et sa suite prennent la direction d’Agadir. Ils empruntent une route empierrée. Sur la majorité du parcours, des milliers de dromadaires circulaient encore en masse sur cette artère. Le Sultan est accompagné de son fils, le futur Roi Mohamed V, qui lui succèdera l’année suivante, à son décès en 1927. Des réjouissances sont organisées à Mogador. La France a sécurisé le parcours pour traverser sans risque Bled Siba (tribus dissidentes). Le Souss n’a jamais été totalement pacifié. Ahmed Al-Hiba est l’un des dissidents notoires. Le sultan envoie un télégramme au successeur de Lyautey, parti à la retraite. « De Tiznit, point le plus au sud du Souss, dans la zone pacifiée de notre Empire, je vous envoie l’expression de ma plus belle et affectueuse amitié ». Le successeur de ‘‘Jnaynar Lotti’’ lui répond : « Ma joie est grande de constater l’enthousiaste accueil d’une population qui sait que le sultan vénéré du Maroc n’a pas de plus fidèle et respectueux ami que le représentant de la France ». En 1926, Agadir est une petite bourgade de moins de 2000 âmes dont 10% de zmagris zéropéens : la France avait permis à ces colons de résider à Agadir en leur louant des parcelles, à titre précaire et renouvelable, avec engagement de ne construire qu’en matériaux non durables…

Après avoir été acclamé par la population d’Agadir, le Sultan Youssef quitte la petite bourgade d’alors, de bon matin, le 8 novembre 1926, pour se rendre à Tiznit, accompagné du général commandant et de Glaoui, le Pacha de Marrakech. Le lendemain, 9 novembre 1926, Moulay Youssef et sa suite prennent la direction de Taroudant. Le sultan est partout bien accueilli, même dans Bled Siba. Toutes les fractions de l’Anti-Atlas ont envoyé des représentants. Des manifestations grandioses sont organisées, auxquelles prennent part les troupes françaises, le tabor, un goum et au moins deux mille cavaliers. (A suivre)

Traduire / Translate