Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates est transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca. Le gisement des Ouled Abdoun à Boujniba, dans les environs de la future ville de Khouribga, est le premier à être exploité. Les besoins de phosphates sont immenses dans le monde entier. Cependant, entre les deux guerres mondiales, la consommation reste médiocre dans une Europe meurtrie par la première guerre mondiale 1914-18. En Europe centrale, la consommation est limitée par le pouvoir d’achat. Les grosses récoltes nécessaires pour réduire les importations de produits agricoles ne s’obtiennent point sans phosphates. Les États à change déprécié se rendent compte qu’il est plus avantageux d’importer du phosphate que des produits agricoles. Les concurrents du Maroc ne sont pas à craindre, étant donné que, pour qu’une société exploite, il lui faut construire un port et une ligne de chemin de fer. Avant que ces travaux, d’une durée toujours assez longue, soient terminés, la consommation des phosphates aura augmenté fortement. Le plateau des Ouled Abdoun est riche et fournit un phosphate de bonne qualité. L’augmentation de son expédition dépend essentiellement de l’accroissement du débit de la ligne du chemin de fer reliant les mines à Casablanca.
« Loufisse » va créer une installation mécanique de transbordement composée de basculeurs de wagons, élévateurs et silos de chargement. Elle est capable de transborder 250 tonnes de phosphate à l’heure, avec un personnel réduit. La préparation souterraine du gisement continue à être poussée et de nouvelles méthodes d’abattage mécanique donnent de bons résultats. Les installations de stockage, de reprise aux stocks et d’embarquement permettent de mettre en stock ou sur navire 400 tonnes de phosphates à l’heure. Une nouvelle installation reçoit le minerai broyé et séché, par trains spéciaux composés de wagons à vidange automatique. Deux trains entiers sont déchargés en même temps, et le phosphate est aussitôt chargé en navire ou mis au stock par moyens entièrement mécaniques. L’organisation est conçue de telle façon que la reprise du stock, assurée en grande partie par simple gravité, sera toujours possible même simultanément au déchargement des wagons. Un accumulateur, formant régulateur de débit, a été placé sur le circuit du phosphate ; ses appareils de vidange mécaniques se trouvent dans une salle dominant le quai et le port et, de cet endroit, un seul mécanicien dirige la manœuvre. Deux portiques roulants, avec avant-bras relevable, peuvent recevoir le phosphate à n’importe quel endroit de leur parcours sur le quai, porteront le phosphate dans les cales, quelle que soit la position de celles-ci, à raison de 400 tonnes à l’heure. Le stock couvert renferme plus de cent mille tonnes. Cette installation, malgré sa puissance et son envergure, demande une quinzaine de surveillants pour assurer la marche normale, ce qui permet à « Loufisse » d’expédier son minerai avec une dépense infime de quelques centimes par tonne. λ (A suivre)