Khouribga, une ville française… (62)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates est transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca. Le gisement des Ouled Abdoun à Boujniba, dans les environs de la future ville de Khouribga, est le premier à être exploité. « Jnaynar Lotti » était un visionnaire et avait vu juste car en Algérie c’étaient des privés qui exploitaient les mines de phosphates. En 1924, les « Rajlines Ka7lines » (les Pieds Noirs) ont senti que « Loufisse » pourrait bien les submerger. Comme aujourd’hui la mafia militaire qui gère depuis 60 ans cette ancienne colonie turque puis française, ils avaient déjà un « nif » (Nez en arabe, égo en français) énorme qui les empêchait de voir la réalité en face. Les Rajlines Kahlines considéraient que l’industrie phosphatière nord-africaine était d’abord née, « za3ma », vous le savez, en Algérie. Sauf qu’il a fallu aux Pieds Noirs, faute de moyens de transports par chemin de fer, 28 ans pour passer d’une extraction de 50 à 500 mille tonnes ! De l’autre côté, en Tunisie, il a suffi de 14 ans pour faire passer sa production de 65 mille à 2 millions de tonnes. L’extraction tunisienne venue après celle des Rajlines Ka7lines sur le marché n’a cependant pas gêné les colons algériens, parce qu’elle a procédé progressivement, prenant sa place au fur et à mesure que la base des clients s’élargissait.

En revanche, à l’époque, il y a donc un siècle (1924-2021), c’est atavique, le Maroc empêchait déjà les Rajlines Ka7lines de dormir. Vu les investissements de Lyautey, qui se proposait d’exporter promptement des quantités massives, les colons algériens craignaient de se faire piquer leur clientèle. Car « Loufisse » parlait d’une production de 4 millions de tonnes à bref délai, soit plus que l’ensemble de la consommation européenne des années trente. Quelle place resterait-t-il sur le marché zéropéen pour les phosphates algériens et tunisiens, évincés par les phosphates marocains ? Les colons qui avaient investi dans le secteur pour engranger rapidement des dividendes faisaient face à une industrie d’Etat créée par Lyautey à l’aide de capitaux fournis par les contribuables français, qui n’avait pas le même souci de rentabilité immédiate. En tout cas, dans les années trente, il est fort agréable de constater que les riches phosphates des Ouled Abdoun refoulaient déjà d’heureuse façon les phosphates américains. Ceci dit, que les colons algériens s’inquiètent de l’avenir et cherchent une formule d’assurance, rien de plus juste et de plus naturel. En 1924, ces colons sont restés simplement des mineurs se contentant de vendre leurs produits aux industriels chargés de les transformer. Comme, un siècle plus tard, leurs descendants, l’actuelle mafia militaire, qui gère un simple tube digestif qui vend ses gaz pour importer sa nourriture et continuer à produire des gaz pestilentiels ad vitam æternam en faisant du chantage à l’Espagne et au Maroc. En coupant un des gazoducs qui alimentent l’Espagne, ils se réjouissent de faire greloter de froid l’Ibère cet hiver. Heureusement l’Ibère est froid et pas sanguin comme son cousin marocain.  En 1924, ils ne pouvaient pas faire concurrence à « Loufisse » qui avait ses propres usines. A une certaine époque, les Rajlines Ka7lines ont rêvé de vendre directement aux agriculteurs zéropéens des phosphates moulus naturels ou des phosphates concentrés par des procédés brevetés. Mais, pour les premiers, ils se sont heurtés à des différences considérables de solubilité dans le sol et pour les seconds, les prix de revient ne permettaient pas d’en généraliser l’emploi. (A suivre)

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