Khouribga, une ville française… (64)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Dès juin 1921, la première cargaison de phosphates est transportée à bord du train de Boujniba vers le port de Casablanca. Le gisement des Ouled Abdoun à Boujniba, dans les environs de la future ville de Khouribga, est le premier à être exploité. En septembre 1924, le Sultan Youssef, himself, visite les mines de Khouribga.  Trois ans plus tard, en 1927, ce Sultan décède après 15 ans de règne. Il avait plusieurs fils. Les autorités françaises choisissent le plus jeune d’entre eux comme nouveau sultan à la place de ses frères aînés. Deux Algériens, fidèles à la Résidence générale française et conseillers de Moulay Youssef, ont joué un rôle fondamental dans la succession en faveur du sultan Mohamed Ben Youssef : le précepteur Mohamed Mammeri et le grand vizir El-Mokri. Le nouveau sultan va se révéler exactement à l’opposé de ce qu’attendaient les Français. Ils voulaient un sultan docile, ils trouvent en lui un nationaliste qui peu à peu s’impose comme chef de file de la lutte pour l’indépendance. Le précepteur Mohamed Mammeri, après avoir été formé à la medersa d’Alger, est recruté au Maroc comme enseignant des princes de la famille royale.

Fin lettré, Mohamed Mammeri maîtrise parfaitement l’arabe et le français, mais il est également un connaisseur du droit musulman et français. A son arrivée au Maroc, il est nommé fonctionnaire par le consulat français, plus précisément directeur de l’école franco-musulmane de Rabat. Il sera par la suite nommé interprète-secrétaire par le Maréchal Lyautey et, à ce poste, sert d’agent de liaison avec le Magasin (Ma5zen). Mohamed Mammeri progresse rapidement et entre au service du sultan Youssef. Il est officiellement nommé le 15 novembre 1915, et chargé dans un premier temps de l’enseignement du français aux princes puis en tant que chef de cabinet de la formation culturelle du sultan Youssef. Il apprendra également au jeune prince Mohamed ben Youssef la langue arabe, le français et l’enseignement religieux. En 1922, il est nommé chef de protocole. L’autre Algérien, le vizir El-Mokri, jouera un grand rôle dans la désignation de ce prince en tant que futur sultan Mohamed Ben Youssef. Le nouveau sultan en fait son secrétaire particulier en 1927 ; fonction qu’il occupera jusqu’à l’exil de ce dernier. En 1953, la France dépose le sultan Mohammed Ben Youssef et place à la tête du protectorat marocain Ben 3arafa. Ce dernier fait arrêter El Mokri, mais, face à l’impopularité de Ben 3arafa, les autorités françaises renoncent bientôt à maintenir ce dernier au pouvoir.

En 1955, Gilbert Grandval, qui vient d’être nommé résident général au Maroc, décide de rencontrer le grand vizir Mohamed El Mokri. Ce dernier, juste libéré des geôles marocaines, s’envole pour la France où il rencontre, à Vichy, une station thermale à l’est de Naves dans l’Allier, Gilbert Grandval. El Mokri fait comprendre à Grandval que Ben 3arafa est prêt à partir face à l’agitation populaire qui s’étend à travers le protectorat marocain. La question du trône est posée. Les discussions permettent d’envisager le retour triomphal du roi Mohamed V le 16 novembre 1955. La même année, Mohammed El Mokri se retire de la vie politique. Il meurt deux ans plus tard, le 9 septembre 1957 à Rabat. (A suivre)

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