Khouribga, une ville française… (69)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. Pour parachever l’œuvre de Lyautey en étendant la Supply Chain du Magasin à l’ensemble de l’Empire chérifien, Lucien Charles Xavier Saint, né le 26 avril 1867 à Évreux, est nommé résident général de France au Maroc le 2 janvier 1929. Après l’extraordinaire développement de la ville, la région de Khouribga se trouve bien changée. Les nomades se sont sédentarisés pour la plupart. La protestation contre le « Dahir berbère » – cf. Kronic 66 in Canard Libéré N°672 – entrainera une grande agitation chez les Ouled Abdoun. Cette loi imposée par le successeur de Jnaynar Lotti, enlevait au sultan Mohamed Ben Youssef son pouvoir de juridiction sur les tribus berbères et établissait une ségrégation ethnique. Le bouillonnement politique commence à agiter les travailleurs 5ribguis partisans d’un jeune leader fassi qui se prénommait 3allal.

A Khouribga les colons n’aiment pas trop les partisans de ce 3allal Le Fassi : ils les insultent en les traitant de « Bgar 3allal » (les bovins de 3allal). Ce garçon est né à Fès en 1910 dans une famille d’origines diverses : arabe, juive et andalouse. La partie arabe de sa famille descend d’un compagnon du prophète Mahomet, une autre de Juifs et le dernier tiers sont des réfugiés andalous. 3allal est doté d’une éloquence flamboyante. Avec Ouazzani et Balafrej, ils créent le premier mouvement national, le CAM (Comité d’action marocaine) qui regroupe de jeunes activistes. Les colons décapitent ce mouvement naissant. Les activistes sont emprisonnés. 3allal est exilé au Gabon. Il y restera pendant 9 ans, sans courrier, sans lecture, à l’isolement complet. Gracié en 1946, comme tous les dirigeants historiques du mouvement national, il redevient une des figures du parti de l’Isti9lal que Balafrej et ses compagnons, libérés avant lui, ont fondé en décembre 1943. 3allal s’installe à Tanger pendant une brève période, avant de fuir en Egypte où il forgera une grande partie de son idéologie. Ses idéaux s’accordaient avec ceux des Algériens et son action visait à intégrer le mouvement nationaliste marocain dans l’ensemble du mouvement panarabe.

C’est dans cet esprit qu’il organise la lutte contre les confréries religieuses dont le prestige exercé sur les paysans demeurait le principal obstacle à la diffusion du nationalisme, la pénétration de la chari3a islamique chez les berbères et la formation de la jeunesse dans les écoles coraniques. Profondément légaliste, fidèle aux principes monarchiques, et fervent partisan, sinon initiateur de l’idée du Grand Maroc allant de Saint-Louis du Sénégal à Oujda et incluant Tindouf en Algérie, il désapprouve le traité d’Indépendance du Maroc selon ses frontières de 1956. Il fait l’objet dès 1955 d’une première tentative d’attentat à la bombe déposée par le truand notoire, roi du non-lieu, Jo Attia à la demande du SDECE (le contre-espionnage français).

La devise de ce service de barbouzes était « Ad augusta per angusta » (Vers les sommets par des chemins étroits). À la suite de l’enlèvement et de l’assassinat de Ben Barka, De Gaulle décide de subordonner le SEDECE au ministère des Armées. A l’arrivée de la Gauche aux affaires en 1981 (François Mitterrand), ce SDECE a été renommé DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure). 3allal Le Fassi échappera à une seconde tentative d’assassinat en septembre 1956, quand trente-quatre balles sont tirées sur les voitures du cortège du côté de Boulemane. En 1959, son parti explosera en deux parties : Ben Barka part avec la partie gauche pour la renommer UNFP et Balafrej garde la partie droite sous son nom historique « Isti9lal » (Indépendance). (A suivre)

Traduire / Translate