Khouribga, une ville française… (71)

Nous célébrons le centenaire de la ville de Khouribga et de l’OCP, l’Office Chérifien des Phosphates ‘‘Loufisse’’ voulu par Lyautey. ‘‘Jnaynar Lotti’’, comme le nommaient les Ouled Abdoun, en signant le décret du 27 janvier 1920, était le seul à être conscient du caractère exceptionnel de ce ‘‘Loufisse’’. En confiant l’exploration et l’exploitation de l’OCP au seul ‘‘Magasin’’ (ma5zen), Lyautey a ainsi évité la rapacité du secteur privé. En septembre 1924, le Sultan Youssef, himself, visite les mines de Khouribga.  Trois ans plus tard, ce Sultan décède en 1927 après 15 ans de règne. Il avait plusieurs fils. Les autorités françaises choisissent le plus jeune d’entre eux comme nouveau sultan à la place de ses frères aînés. Deux Algériens, fidèles à la Résidence générale française et conseillers de Moulay Youssef, ont joué un rôle fondamental dans la succession en faveur du sultan Mohammed Ben Youssef : le précepteur Mohamed M3amri et le grand vizir Mo9ri.

Le nouveau sultan va se révéler exactement à l’opposé de ce qu’attendaient les Français. Ils voulaient un sultan docile, ils trouvent en lui un nationaliste qui peu à peu s’impose comme chef de file de la lutte pour l’indépendance, et en ce qui concerne les Juifs, il fait systématiquement obstruction aux mesures antisémites que les fils de Pétain veulent imposer aux juifs du Maroc depuis Vichy, ville thermale située à l’Est de Naves dans l’Allier, le fief de la tribu des valeureux Coulon. À chaque nouvelle loi pétainiste, le souverain prend, jusqu’à l’affrontement avec le Résident général, une défense farouche des juifs en ayant soin de rappeler à chaque fois que juifs et musulmans sont également ses sujets et qu’il ne souffrirait aucune discrimination entre ses enfants. Les juifs expriment par des chansonnettes leur vénération à un souverain en qui ils trouvent toujours secours et consolation : « Et que Dieu glorifie notre seigneur le sultan, le digne petit-fils du Sultan Hassan Premier. Qu’il vive toujours dans la loyauté, lui et les membres de sa famille ».

C’est pour faire écho à ce qu’avait dit le sultan Mohammed ben Youssef, lors de la fête du Trône en 1944, en s’adressant aux juifs : « Tout comme les musulmans, vous êtes mes sujets et comme tels, je vous protège et vous aime, croyez bien que vous trouverez toujours en moi l’aide dont vous avez besoin. Les musulmans sont et ont toujours été vos frères et vos amis ». Sur son lit de mort, Mohammed V aurait fait promettre à son fils, le futur Roi Hassan II, de veiller «au salut de la communauté juive ». Le jour de la disparition du souverain, les juifs ressentent une grande peine et sortent dans la rue pour le pleurer et partager le deuil de leurs frères musulmans. Le grand rabbin de Sefrou, David Obadia, prononce alors cet éloge funèbre : «Éternel, notre Dieu, et celui de nos pères […] dans ta compassion, Toi qui pardonnes et qui consoles, accueille avec faveur l’âme de notre roi Mohammed le Cinquième. Toi, ô Seigneur, prends-le en pitié, pardonne-lui, prends-le sous Tes ailes, place-le au milieu des âmes pures des Justes des Nations, sous les portails de ta miséricorde. Qu’il repose en paix. Qu’il en soit ainsi. Amen ».

L’Histoire laisse peu de répit aux juifs marocains. A peine sortis de l’angoisse vichyste, les voilà plongés dans le tourbillon de la lutte pour l’indépendance. Victimes directes ou indirectes des troubles qui ensanglantent périodiquement le pays, ils sont ballottés entre le sionisme, la fidélité à la France et l’adhésion au nationalisme marocain. (A suivre)

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