Le bannissement de 1975, appelée également la «Marche noire» par les expulsés marocains, a été lancée le 18 décembre 1975 par le président algérien Houari Boumediene, afin d’expulser en 48 heures manu militari des dizaines de milliers de Marocains résidant en Algérie, parfois depuis plusieurs générations. Cet acte cruel a laissé des blessures indélébiles aussi bien dans la chair des Marocains qui en sont victimes que celle de nombre d’Algériens des deux cotés de la frontière qui ont des liens de parenté ou d’amitié avec les expulsés. Cet acte barbare continue de faire couler beaucoup d’encre.
Le politologue, essayiste et romancier algérien Mansour Kedidir fait partie de ces plumes qui se sont saisies de cette triste histoire pour la perpétuer afin que les générations qui ne l’ont pas connue ou vécue sachent de quoi sont capables des dictateurs sans pitié comme Boumediene. L’écrivain signe en effet un nouveau roman, consacré à ce déplacement forcé des familles marocaines résidentes en Algérie. « Marocains d’Algérie : rafle au couchant» (La Croisée des Chemins, 344 p., décembre 2021) est ainsi un récit fictionnel, qui raconte l’histoire tragique inspirée de faits réels de Adel et de son père Allal. « Ce dernier, ayant participé à la guerre de libération d’Algérie, est pris d’effroi et de surprise par cette expulsion forcée et arbitraire ».
Choqué, Allal n’arrive pas à admettre qu’un tel bannissement massif de 45.000 familles marocaines soit décidé par « un homme de cette stature (Boumediene), qui avait accompli de hauts faits d’armes à partir de la base d’Oujda » et qui « s’était engagé à côté de ses frères marocains pour la libération du Maghreb». « Qui pouvait croire qu’un homme qui haranguait des foules, distribuait des terres aux petits fellahs, nationalisait des exploitations pétrolières et minières appartenant aux compagnies multinationales et défendant dans les tribunes tiers-mondistes les droits des peuples opprimés ait pu mettre les pieds dans une boue putride? », s’interroge l’auteur à travers ce récit.
Entre fiction et réalité, l’ouvrage interroge aussi sur ce qui reste comme dignité à un chef d’État après avoir ordonné la déportation de milliers de personnes, «sous le fallacieux motif qu’elles seraient d’origine marocaine, alors que dans leur totalité, elles avaient ouvert leurs yeux en Algérie ». L’ouvrage critique un certain aveuglement et une obstination à «effacer d’un trait le sacrifice de milliers de Marocains, qui avaient abandonné leurs familles pour rejoindre les rangs de l’Armée de libération nationale», mais qui se retrouvent éloignés de chez-eux, du jour au lendemain.
Mansour Kedidir est également auteur d’autres romans et essais, dont « La colère de la steppe » (éd. Pensée, 1987), « Bénie soit la mort de l’enfant naturel » (ENAG, 1999) et «La nuit la plus longue» (éd. Apic, 2015).