Notre immeuble était désormais considéré comme « ancien »… Bizarrement, les gens considèrent généralement un appartement comme ancien quelques années à peine après l’octroi du permis d’habiter… Et c’est ainsi qu’on voit fleurir les annonces immobilières du genre « cherche appartement bien situé, neuf ou âgé au maximum de cinq ans »… Comme s’ils voulaient acheter une bonne voiture d’occasion ! Pour un peu, ils souhaiteraient s’enquérir sur le « kilométrage » du compteur Lydec ! Bref, autant vous dire qu’il était grand temps pour nous autres, copropriétaires, de ravaler la façade de notre « résidence », édifiée dans les années quatre-vingt-dix… Une éternité, donc ! Oui, notre résidence, puisque tous les immeubles, quel qu’en soit le standing, sont pompeusement baptisés ainsi chez nous ! Il faut dire que les peintures des immeubles devraient être refaites tous les cinq ans à Casablanca vu la pollution atmosphérique de la ville…
Et encore, j’habite dans une impasse plutôt peu fréquentée et à l’abri des fumées apocalyptiques dégagées par notre parc automobile vieillot et « diéselisé » ! Un projet d’envergure, ce ravalement de la façade, qui était reporté d’année en année et ce pour diverses raisons. D’abord, parce que le budget à prévoir était relativement consistant et qu’il fallait donc convaincre tous les copropriétaires de mettre la main à la poche, ce qui n’est jamais une mince affaire…
Autant le Marocain dépense sans compter pour son intérieur, autant il rechigne à régler les dépenses communes! Ensuite, parce que chacun trouvait à redire sur les termes du devis à établir et la nature des prestations à prévoir… Tout le monde était d’accord, bien entendu, pour exiger ce qui se faisait de mieux en la matière, mais au moindre coût ! Quant aux syndics, ils se contentent en fait de gérer les affaires courantes, en refilant le bébé à leurs successeurs. Et c’est ainsi qu’un beau jour, j’ai pris la courageuse résolution, en ma qualité de nouveau syndic, de me jeter à l’eau, et ce en procédant méthodiquement… D’abord, je fis le « tour » virtuel des propriétaires qui m’assurent qu’ils étaient avec moi de tout cœur et qu’ils me faisaient pleine et entière confiance…
Soulagés, sans doute, que quelqu’un se soit enfin dévoué pour cette mission périlleuse ! Quant au règlement de leurs quotes- parts, ils promirent de faire le nécessaire dans les meilleurs délais ! Je pris ensuite contact avec trois entrepreneurs qui établissent des devis approximatifs, en jurant leurs grands dieux que jamais je ne trouverais meilleur rapport qualité/prix et qu’ils avaient travaillé avec les plus grands promoteurs de la ville, lesquels pouvaient attester de leur sérieux… Quelques semaines plus tard, après bien des péripéties que je préfère vous épargner et une facture en dépassement de 20% par rapport au devis initial, notre immeuble avait enfin retrouvé sa fraîcheur d’antan… Tout est bien qui finit bien, donc… Ou presque ! Il ne me restait plus qu’à relancer mes chers voisins pour le règlement du reliquat de leurs quotes-parts ! Lesquels voisins, ont émis, comme il fallait s’y attendre quelques réserves sur le résultat final, estimant qu’à ce prix-là, on aurait pu recouvrir la façade de marbre ! Dieu merci, mon mandat biannuel de syndic prend fin cette année… Vivement 2022 !