Le site www.tajnid.ma, vous connaissez ? Vous avez intérêt, surtout si vous êtes âgé(e) entre 19 et 25 ans ! Que vous soyez garçon ou fille, vous êtes concerné ! Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, vous invite à vous connecter, à partir du 13 décembre prochain, sur ledit site pour vous assurer que votre nom figure bien sur la liste des heureux appelés en vue de remplir le formulaire de recensement. Et ce, indépendamment de votre sexe, le ministère n’étant pas misogyne ! Et l’appel concerne également les jeunes MRE… Jeunes israéliens d’origine marocaine compris ? Cela dit, cumuler le service national marocain avec les trois années de service israélien ça risquerait de faire un peu beaucoup ! Et rassurez-vous, il y en aura pour tout le monde, puisqu’il « a été tenu compte du principe d’égalité entre les citoyens et d’équilibre entre les régions »- et non donc entre les religions- comme tient à le préciser le communiqué du ministère !
D’autre part, ajoute ledit communiqué, « les jeunes, de sexe féminin et masculin, qui n’ont pas été invités à remplir le formulaire et qui désirent accomplir le service militaire, peuvent s’inscrire sur le même site… La même possibilité est garantie par la loi au profit des jeunes membres de la communauté marocaine établie à l’étranger, inscrits sur les registres consulaires et souhaitant accomplir ce service». Voilà, c’est dit ! Que ceux dont le nom ne figurerait malencontreusement pas sur ces listes – et qui tiennent absolument à accomplir leur devoir national – soient rassurés ! On leur donne magnanimement l’occasion de rattraper cet oubli fâcheux !
Mais un service militaire, au vingt-et-unième siècle, pour quoi faire ? Telle est la question que beaucoup se posent… Lhaj Miloud, dont vous connaissez la vaste érudition (merci Wikipédia), se fait fort de vous en rappeler l’origine ! La conscription moderne a été créée par la Révolution française, avec la fameuse levée en masse de l’an II de la révolution, en 1793. Il faut dire que la jeune république était menacée de toutes parts par une coalition de monarchies européennes, suite au monstrueux régicide qu’elle avait commis en guillotinant le malheureux Roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette, d’origine autrichienne, née de Habsbourg. La conscription jacobine faisait ainsi suite à l’enrôlement volontaire, en cours sous l’Ancien Régime, ouvert même aux mercenaires étrangers. Depuis, la plupart des pays, le Maroc comme les autres, en ont adopté le principe.
Il fut un temps où le service militaire faisait peur… L’image de jeunes arrachés à leurs mères éplorées pour être envoyés vers l’inconnu hante toujours l’esprit des anciens…. Il faut dire que le service militaire était déjà obligatoire, à l’époque… Enfin, presque obligatoire puisque beaucoup de jeunes pouvaient y échapper, d’une manière ou d’une autre… Déjà, les étudiants en étaient exemptés et se voyaient astreints à un service dit civil qui consistait à servir dans une administration pendant deux ans. Le pire qui pouvait leur arriver était de se voir affectés loin de « leurs bases »… Sinon, c’était la belle vie… Deux ans à être payés pour ne (presque) rien faire avec, en sus, un salaire conséquent qui vous permettait de faire la fête tous les samedis soir et même d’envoyer quelques sous à la famille. Les plus chanceux pouvaient même se faire embaucher sur place…
C’était le bon vieux temps de l’État-providence où la plupart des étudiants bénéficiaient d’une bourse et envisageaient l’avenir en rose. Pour ceux qui n’avaient pas la chance d’avoir fait des études supérieures, le service militaire leur ouvrait les bras… Encore que ! Il suffisait de prouver que vous étiez soutien de famille pour échapper à l’appel de la patrie et le brave Moqaddem se faisait fort de vous arranger l’affaire… Douze ans après sa suppression, le service militaire obligatoire a été donc rétabli en août 2018 avec la promulgation de loi 44.18. Un service militaire new-look qui séduit beaucoup de jeunes chômeurs, faute de meilleures perspectives. Il n’en a pas toujours été ainsi ! Lhaj Miloud se souvient de deux jeunes de son quartier qui n’avaient pas pu échapper à la souscription… Le premier avait fini par s’y résoudre, la mort dans l’âme. Quant au second, qui était considéré comme un peu simplet dans le quartier et qui, de ce seul fait, aurait peut-être pu y échapper, il se faisait au contraire une joie d’y aller, parlant de son prochain départ à toutes ses connaissances… Il fallait le voir, de retour en permission chez lui, pavoiser dans son beau costume d’appelé et ses bottes reluisantes, son visage boutonneux rasé de près, un béret rouge fièrement vissé sur le crâne !
Mais autres temps, autres mœurs ! Pour Lhaj Miloud, aujourd’hui, le service militaire s’impose de toute évidence… Le Maroc vit une période particulièrement délicate de son histoire… Sa montée en puissance économique suscite bien des jalousies… La normalisation avec Israël inquiète tant nos voisins du Nord que de l’Est dont la paranoïa a atteint son paroxysme et qui n’attendent qu’un prétexte pour faire parler la poudre… Par ailleurs, la solidarité et la discipline sont des valeurs que nos jeunes ont perdues par ces temps saturés d’individualisme et d’incivisme… Rien de mieux que de vivre à la dure pendant quelques mois, loin du cocon familial, pour forger les corps et les caractères ! D’ailleurs, contrairement aux idées reçues, la formation des jeunes appelés ne se limite pas au maniement des armes. Elle alterne entre cours théoriques et entraînement militaire. En effet, après quatre mois de formation militaire, des métiers sont enseignés aux jeunes, essentiellement dans les domaines de l’informatique ou de la sécurité, métiers porteurs, s’il en est ! Une seconde chance, ô combien bienvenue !
C’est ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable, nos jeunes n’ayant plus le sentiment de perdre leur temps, mais au contraire, de bénéficier d’une formation gracieusement dispensée, tout en remplissant leur devoir national… En plus d’être logés, blanchis et nourris dans les nombreux centres de formation prévus à cet effet, ils bénéficient en plus d’une solde mensuelle de 1.000 à 2.000 dirhams, en fonction de leur niveau scolaire. Elle n’est pas belle, la vie ? Alors, aux armes, jeunes citoyens !