Ils pestent tout le temps contre eux mais ne peuvent pas s’en passer… Vous l’aurez remarqué, la plupart des gens se plaignent en permanence de leurs concierges… Des concierges pourtant corvéables à merci, sans trouver pour autant grâce aux yeux de leurs employeurs ! Originaires la plupart du temps du Sud du pays, ils se sont trouvés dans l’obligation de quitter leurs patelins miséreux pour venir tenter leur chance en ville… Souvent d’origine berbère, s’exprimant parfois avec difficulté, acceptant brimades et comportements discourtois parce qu’ils n’ont pas trop le choix… Leurs familles comptent sur eux et sur les quelques centaines de dirhams qu’ils leur transfèrent chaque mois au prix de mille sacrifices…
On met « gracieusement » à leur disposition un local souvent insalubre… Local dont certains immeubles ne sont même pas pourvus, d’ailleurs… D’autres disposent d’un cagibi exigu et mal aéré où ils s’entassent avec leurs petites familles… Quand on daigne leur accorder ce privilège… Parce que la plupart des copropriétaires sont contre ! Ils ne veulent pas d’un concierge marié avec enfants… Ou alors, qu’il laisse sa femme et sa progéniture au bled ! Parce que la hantise des braves copropriétaires, c’est qu’il s’incruste… Et allez vous débarrasser d’un concierge avec femme et enfants ! L’entreprise est autrement plus aisée lorsqu’on a affaire à un célibataire… Sachant que nos braves copropriétaires ne sont d’ailleurs pas plus pour un concierge célibataire ! Le bougre pourrait lorgner sur leurs épouses… Alors, la solution ? Un turn-over d’enfer ! On se débrouille pour les virer à la moindre occasion… Et tous les prétextes sont bons ! Au moindre relâchement, mot prétendument de travers ou refus « d’obtempérer »… Un de mes amis m’expliquait, indigné, que leur concierge refusait de laver les voitures des copropriétaires alors que cela faisait partie de son travail, on est bien d’accord ? D’ailleurs, le concierge marocain se doit d’être polyvalent, homme à tout faire et disponible sept jours sur sept et 24H sur 24 ! Non seulement il doit assurer l’entretien de l’immeuble et sortir les poubelles, mais également changer les bouteilles de gaz, aller chercher les enfants de M. Mikou à l’école, et acheter les croissants matinaux de Mme Bouzoubaa, l’épouse du syndic… Une femme à ménager, Mme Bouzoubaa, elle a le bras long !
Oui, tous des fainéants, ces concierges qui sont logés à l’œil et ne vous en donnent pas pour votre argent… D’accord, 1.500 dirhams par mois ce n’est pas le Pérou, on est d’accord, mais comptez également les économies réalisées sur le loyer, l’eau et l’électricité ainsi que le couscous du vendredi, que ces ingrats considèrent comme un dû ! On monte rapidement à 3.000 DH, plus que le SMIC ! Et au lieu d’être reconnaissants, ils font le minimum syndical et osent demander des augmentations ! Et dire qu’au début, quand ils arrivent de leur bled pouilleux, ils sont dociles et travailleurs… Mais ça ne dure pas longtemps… Ils révèlent rapidement leur caractère sournois, en font le moins possible, et commencent à réclamer leurs « droits » ! Certains voudraient même bénéficier de la CNSS ! A vous dégoûter de faire le bien !