Les petits métiers (2) : La vendeuse de kleenex…

Khadija est assise sur le trottoir d’un grand boulevard de la capitale économique, devant l’entrée d’un vieil immeuble des années 20… Elle n’a pas de préférence particulière pour ce lieu mais là au moins, elle n’a pas à subir la concurrence agressive de petits jeunes agressifs… Et puis, elle y est à l’abri des intempéries grâce à un large balcon protecteur… Elle occupe toujours le même espace depuis des années… Les riverains ont l’impression qu’elle fait partie du décor… Beaucoup ne manquent pas de la saluer poliment chaque matin et jamais elle n’a eu à souffrir de remarques déplacées… Ne me demandez pas son âge, je serai bien incapable de vous le dire… Elle n’est ni jeune ni vieille, mais son visage porte les stigmates des épreuves de la vie… Elle arbore un large sourire de bienvenue lorsqu’un chaland s’arrête à sa hauteur… Même si le cœur n’y est pas toujours ! Son petit capital se résume à peu de choses, quelques articles soigneusement disposés sur un emballage en carton… Elle vend des kleenex et des gants de toilette… Des cotons-tiges aussi… Mais de ces derniers, elle n’écoule pas beaucoup comme si les gens n’en voyaient pas l’utilité… Elle s’évertue pourtant à en vanter les vertus assurant à qui veut bien l’entendre qu’il n’y a « rien de mieux pour nettoyer les oreilles en profondeur… Et pour les enfants, c’est une question d’hygiène et de prévention… On peut aussi les utiliser pour soulager les bébés constipés et les aider à faire leurs selles ! », ajoute-t-elle sur le ton de la confidence… Il y a quelque temps, elle vendait aussi des masques de protection contre le Covid. Une aubaine, ce Covid ! Les affaires marchaient plutôt bien et il lui arrivait d’écouler une dizaine de paquets quotidiennement… Mais ce n’est plus le cas à mesure que la pandémie baisse en intensité…  Comme quoi, toutes les bonnes choses ont une fin !

Enfin, un passant s’arrête… Il est intéressé par les gants de toilette. Elle en propose de qualité et de couleurs différentes, à un prix variant entre 7 et 15 dirhams. Le bonhomme marchande âprement, triture et étire plusieurs gants dans tous les sens pour en vérifier la solidité : il veut en avoir pour son argent ! Il critique, grimace et repose la marchandise… Puis fait mine de partir, revient sur ses pas et finit par faire une offre… Khadija secoue la tête d’un air las, essaye de le convaincre qu’elle n’y trouve pas son compte et que son bénéfice se résume à 2 malheureux dirhams… Elle pourrait éventuellement le laisser à ce prix s’il en prend plusieurs… Le client hésite puis finit enfin par se décider, satisfait d’avoir fait une bonne affaire…

Heureusement, il y a aussi des gens généreux, qui achètent sans discuter le prix… Certains lui laissent même une ou deux pièces de plus, histoire d’aider cette femme courageuse qui refuse de tendre la main comme beaucoup de mendiants professionnels… Ceci dit, ça n’a pas été toujours facile… Khadija se souvient avec amertume du comportement de certains agents d’autorité qui lui avaient mené la vie dure en lui interdisant l’accès à des quartiers bourgeois. Mais elle ne leur en veut pas… Chacun son métier, et le leur n’est pas facile non plus, il est vrai ! Khadija ne juge pas… La vie lui a appris que chacun devait rester à sa place et accepter son sort avec reconnaissance et humilité… Et tant qu’on a la santé, on n’a pas à se plaindre, n’est-ce pas ? Le soir, elle disposera le reste de ses articles dans un grand sac en plastique et rentrera chez elle dans une modeste maison de la médina retrouver sa petite famille… Heureusement, elle a la chance de ne pas habiter très loin… Elle ne pourrait pas se permettre le luxe de payer le trajet aller-retour par bus !

Traduire / Translate