Il est parti sur la pointe des pieds… Il n’aurait pas voulu déranger… Pierre Rhabbi s’est éteint cette nuit à l’âge de 83 ans… Un homme au destin exceptionnel… Le petit Rabah Rabhi a vu le jour le 29 mai 1938 dans le sud de l’Algérie. Perdant sa mère à l’âge de 4 ans, il est confié par son père à un couple de Français. Il s’est converti au christianisme à l’âge de 16 ans, et c’est ainsi que Rabah devint Pierre… Au grand désespoir de son père biologique… Décidément, quand les hommes comprendront-ils que la foi est un choix personnel et que personne ne doit s’y immiscer, ni la famille ni les États !
Pierre Rhabbi s’est toujours intéressé au retour à la nature et à la pratique d’une agriculture écologique respectueuse de l’environnement. C’est ainsi qu’il s’installa avec sa femme Michelle en Ardèche en 1960 pour se lancer dans l’agriculture biodynamique et l’élevage des chèvres. Au début des années 1980, il crée un centre de formation en agroécologie à Gorom-Gorom, au Burkina Faso… En 1992, il imagine le concept « Oasis en tous lieux » en 1992 et, en 1994, il fonde l’association Terre & Humanisme. Ses actions innovantes le font remarquer des grandes institutions et il est appelé à participer à l’élaboration de la Convention de l’ONU sur la lutte contre la désertification en 1997.
Depuis, il est devenu une référence de l’altermondialisme, et est sollicité pour participer à des conférences à travers le monde. Son nom allait bientôt s’imposer comme un grand défenseur de l’écologie… La véritable écologie, pas cette écologie de salon, pratiquée par des bourgeois oisifs entre deux virées en jet privé, pour aller assister à des colloques sur la pollution atmosphérique… En 2007, il réalise son initiative la plus connue en fondant, avec le réalisateur Cyril Dion, le mouvement international pour la terre et l’humanisme, appelé plus tard le « Mouvement Colibris »….
La crise sanitaire de covid-19 a démontré combien l’homme était dans le vrai… Lui qui a toujours dénoncé la recherche frénétique du profit, la consommation débridée et le gaspillage éhonté pratiqué par une partie nantie de l’humanité pendant que l’autre moitié crève de faim… Il était un pont entre deux mondes. Celui des déshérités qui l’a vu naître et celui des privilégiés qui l’adopta mais dont il se refusa à adopter le mode de vie insouciant. Ses livres, l’agroécologie (2015), La puissance de la modération (2015), La convergence des consciences (2016), entre autres, sont devenus des références incontournables en la matière. Il a reçu nombre de récompenses en hommage à son œuvre et à ses idées… Mais il est resté toujours le même, un homme humble dont le seul souci était de faire adhérer le plus grand nombre à ses nobles valeurs…
On pourrait encore beaucoup dire sur l’homme… Son humilité, la bonté infinie qui se dégageait de sa silhouette gracile, ses prises de positions courageuses et ses vérités assénées à longueur d’émissions d’un ton posé et avec son éternel sourire… Il a toujours joint le geste à la parole, défendant ses convictions en dépit du scepticisme ambiant… Repose en paix, Rabah-Pierre, dans le paradis des Justes… Celui des véritables croyants, ceux qui croient en l’Humanité…