Boycott massif des examens de médecine : Anatomie d’un échec politique

Une précédente manifestation des étudiants en médecine.

Le gouvernement n’a pas réussi à convaincre les étudiants en médecine et pharmacie à revenir dans les amphi pour passer les examens du deuxième semestre. Le mouvement de boycott était massif. Les conséquences de ce bras de fer sont fâcheuses et vont au-delà du processus de formation…

Ils se sont mobilisés jusqu’au bout contre la réduction du nombre  d’années  d’études en médecine. Plus de 90 % des étudiants ont en effet choisi de sécher les examens du second semestre du 26 et 27 juin. Sur  des  effectifs de 770 et 165 pour les examens de première année médecine et première année pharmacie de la faculté de Casablanca,  ils  étaient respectivement 84 et 5 candidats  marocains ( les étrangers sont de 40 et 8) à s’être présentés.  Les scores de présence  sont tout aussi faibles pour les autres cycles, deuxième, troisième, quatrième et cinquième année. Le mouvement de boycott a été   également largement suivi dans le reste des facultés du pays. A Oujda,  le taux de boycott chez les étudiants de première année en médecine a atteint 95,96 % tandis qu’à la Faculté de Rabat, il était de 90,76 % dans le même cycle contre 98,55 % à Tanger et 92 % à Laâyoune. Selon la Commission nationale des étudiants en médecine, en médecine dentaire et en pharmacie (CNEM), le taux de boycott a atteint 94%  sur l’ensemble du territoire. Dans son communiqué publié à l’occasion, cette instance  voit dans ce fort pourcentage «  la détermination des étudiants à poursuivre le boycott comme  réponse  au maintien des   décisions arbitraires », dans une allusion au traitement fait par le gouvernement des revendications des étudiants. Le bras de fer continue donc entre les deux parties malgré les mesures d’apaisement annoncées le porte-parole du gouvernement Mustapha Baitas lors de son point de presse du 25 juin. Sur ce dossier, l’échec est total pour l’exécutif  alors qu’une réunion de la dernière chance avait eu lieu entre  les représentants des étudiants en médecine et les ministres de l’Enseignement supérieur et de la Santé, en présence des doyens des facultés de médecine. La CNEM  attribue cet échec à l’absence d’un PV formalisant les points d’accord et au choix de la date des examens jugée inappropriée.

C’est la décision de réduire de 7 à 6 ans  la durée des études en médecine, adoptée en 2022, qui a cristallisé la contestation des étudiants.

Il n’y aura pas  de session de rattrapage pour  les examens de médecine, a tranché  en effet le ministre de l’Enseignement supérieur Abdellatif Miraoui lors d’une intervention devant le Parlement lundi 13 mai. Cette déclaration qui a les allures d’ultimatum est tombée comme un couperet dans les rangs des étudiants grévistes qui misaient sur une session extraordinaire à la fin de l’année universitaire. Ce qui voulait dire que l’unique et dernière session est celle de juin et que les grévistes, qui se disent toujours ouverts au dialogue,  devaient  par conséquent mettre fin à leur mouvement pour préparer leurs examens s’ils  veulent éviter une année blanche. Les épreuves  ont-ils un sens puisque les formations cliniques qui sont essentielles n’ont pas été suivies ?  Quelle valeur ont des examens dans un contexte de boycott des études ? Comment peut-on évaluer  efficacement les connaissances d’un étudiant qui n’a pas étudié ? Le maintien des examens à leur date habituelle ressemble à une formalité qui  répond  chez le gouvernement au souci gouvernemental de ne pas être comptable d’une année blanche. Mais le boycott massif des examens du second semestre aura  des conséquences sur la prochaine rentrée scolaire à divers niveaux.  A commencer par l’organisation des  cours  en amphithéâtres  où il s’agirait,  au cas où le mouvement de grève prendrait fin,  de faire cohabiter les recalés avec les nouveaux inscrits alors que les places sont limitées  ? Bonjour le désordre dû au sureffectif…Ce n’est pas le meilleur scénario non plus pour un pays en pénurie de médecins et qui aspire à en former davantage pour soigner sa population tout en freinant l’expatriation massive de ses professionnels de santé. C’est la décision de réduire de 7 à 6 ans  la durée des études en médecine, adoptée en 2022, qui a cristallisé la contestation des étudiants. Surtout qu’elle n’a pas été accompagnée d’un effort de communication par les deux ministres de tutelle pour en expliquer le bien-fondé et les objectifs. Les intéressés se sont juste contentés de répéter que la réduction de la durée de la formation ne va nullement porter atteinte ni à la qualité de la formation ni au prestige du diplôme tout en menaçant les grévistes  de mesures de rétorsion. Cette façon de faire, brutale et confuse, n’a pas rassuré les étudiants. Bien au contraire.   Elle a même contribué à radicaliser leur mouvement qui n’a pas échappé à des tentatives de manipulation  par des  milieux  politiques aux objectifs inavoués… Le résultat est là,  catastrophique. Un dossier très mal géré par les deux ministres et une paralysie totale des fac de médecine et de pharmacie…Quel gâchis!