Congrès du PJD : Les islamistes ont-ils perdu la foi ?

C’est un PJD affaibli politiquement et financièrement, dont la moitié des adhérents ont quitté le parti, qui organise son 9ème congrès national les 26 et 27 avril 2025 à Bouznika. 

Laila Lamrani

Lors d’une conférence de presse organisée le mercredi 16 avril à Rabat par le comité préparatoire du congrès, le secrétaire général sortant Abdelilah Benkiran a abordé le volet financier des travaux des assises de son parti en estimant le budget total de l’événement à 3,5 millions de DH. Or, les caisses du parti, tout comme son discours, sont vides et le PJD, avoue M. Benkirane, ne dispose que de la somme de 300.000 DH au titre de la contribution des membres du Conseil national et qu’il n’a pas encore reçu la subvention publique d’un montant de 1,3 million de DH dû au parti en vertu des résultats des dernières élections de 2021 (nombre de voix obtenues, sièges acquis et préparation du 9ème congrès). Il faudra donc que les militants mettent encore la main à la poche pour pouvoir couvrir les frais du congrès. Ce que M. Benkiran, qui a révélé que les membres qui ne sont pas à jour de leurs cotisations n’ont pas reçu leurs cartons d’invitation, n’a pas manqué de signaler, à travers un appel à la générosité pour que ses ouailles contribuent, chacun selon ses moyens, en versant de l’argent sur un compte spécial. Au PJD, l’heure est à la disette ! Faire manger dans ce climat de dénuement les 1700 congressistes attendus à Bouznika devient une véritable préoccupation. A moins que,il ne Benkirane ne lance une fatwa autorisant la mendicité politique… 

C’est donc une formation de l’opposition sous contrainte financière et exsangue qui se lance dans le renouvellement de ses instances. Abdelilah Benkiran avait reconnu il y a quelques années la crise financière aiguë qui frappe son parti dont les caisses sont pratiquement à sec. Cette dèche est due essentiellement à son effondrement électoral en 2012 qui a eu comme effet immédiat de le priver de ses deux principales mamelles : la subvention publique accordée aux partis au prorata du nombre de leurs députés et des femmes élues, et la cotisation mensuelle de leurs parlementaires et ministres. Tout cela fait un joli pactole qui permet au PJD d’être à l’aise financièrement. De 125 députés lors de la législature 2016, les islamistes sont tombés à 13 à la suite du scrutin législatif de septembre 2021, soit un manque à gagner de quelque 10 millions de DH. Ayant obtenu péniblement un groupe parlementaire, n’ayant aucun ministre au gouvernement, les islamistes perdent l’essentiel de leurs ressources propres ainsi que le soutien de l’État qui représente près de 42% de leurs recettes. En 2019, qui n’est pas une année électorale ni une année de congrès pour le parti, le PJD a perçu au titre de cette subvention publique la somme de 17,6 millions de DH, selon un rapport de la Cour des comptes.

Le PJD, qui aura dans ces conditions du mal à finaliser le chantier lancé en janvier 2021 d’un siège moderne à Hay Ryad à Rabat d’un coût de 40 millions de DH, est menacé d’asphyxie financière. Il est non seulement confronté au tarissement de ses sources de financement mais il était en plus appelé à restituer- ce qu’il a tardé à faire- en vertu de la loi la bagatelle de 8 millions de DH sur les 10 touchés au titre du premier acompte versé par le ministère de l’Intérieur sur la base du nombre des circonscriptions couvertes en 2021. Dans un communiqué, le parti avait justifié ce retard par ses difficultés financières, consécutives à sa déroute électorale historique.Le PJD a révélé avoir proposé, dès avril 2022, un plan de remboursement étalé sur trois ans approuvé par le ministre de l’Intérieur.Une première tranche de 2,89 millions de DH a été versée la même année tandis que les deux autres, d’un montant équivalent, devraient être réglées en 2023 et 2024. Le parti souligne que ce calendrier a été approuvé par le ministère de l’Intérieur.

La cata, en somme ! D’où la vive préoccupation de M. Benkirane qui s’en était ouvert aux militants lors d’une réunion interne organisée par visioconférence. « Si nous devons rendre cette somme, il ne restera pas un rond dans les caisses », s’est-il alarmé tout en invitant les pjdistes à mettre la main à la poche. A vot’ bon cœur ! Sans argent, le PJD perd de son attractivité et le fait de végéter dans l’apposition après avoir passé 10 ans aux affaires lui a fait perdre la foi des militants. Ce que Abdelilah Benkiran a reconnu en avouant que le parti a perdu 20.000 adhérents (sur 40.000) depuis qu’il a quitté les allées du pouvoir. Ce qui ajoute au malaise et à la crise, certains caciques ont pris leurs distances avec le parti comme l’ex-Premier ministre Saad Eddine Al Othmani et l’ancien ministre de la Justice Mustapha Ramid. Difficile dans ce contexte de démobilisation politique et de crise financière d’avoir des candidats à la chefferie qui se bousculent au portillon. Rien ne ferait plaisir à Abdelilah Benkiran que de se débarrasser du boulet PJD. Mais comment annoncer son intention de ne pas briguer un autre mandat sans que cela apparaisse comme une tentative de quitter un navire qui coule? C’est tout le dilemme de Benkiran qui doit prier jour et nuit pour que les congressistes ne lui renouvellent pas leur confiance.

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