Rarement mouvement de protestation estudiantine au Maroc a fait montre d’une détermination aussi forte comme en témoignent la teneur des micro-trottoirs circulant sur les réseaux sociaux.
Le mouvement de grève des étudiants en médecine qui dure depuis l’année dernière, se radicalise de jour en jour faute de solution politique et après l’échec de la médiation du Médiateur du royaume. Un sit in non autorisé organisé mercredi 25 septembre aux abords de la faculté de médecine et de pharmacie de Rabat a dégénéré après sa dispersion par les forces de l’ordre. Cette mobilisation, à laquelle a pris part certains parents des grévistes en guise de soutien de leurs revendications, a conduit des étudiants à l’hôpital et d’autres au commissariat, selon un communiqué de la commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie. Est-ce-à dire que le conflit relève désormais de la justice puisque les personnes interpellées risquent la condamnation pour « désobéissance, non-respect des ordres des autorités et attroupement non autorisé »? Fallait-il en arriver à la judiciarisation d’un dossier revendicatif à caractère universitaire ? La politique au Maroc est-elle devenue incapable à ce point de régler des crises pareilles qui finissent, faute de compromis, devant les tribunaux ?
Il est tout de même ahurissant que les ministres de tutelle, Abdellatif Miraoui de l’Enseignement et son collègue de la Santé Khalid Aït Taleb, ait laissé s’installer le pourrissement du conflit. Sans que le gouvernement n’intervienne de tout son poids pour tenter de désamorcer la crise. Encore moins communiquer de manière claire sur la finalité de sa décision adoptée en 2022, qui est à l’origine de tout ce psychodrame : la réduction de la durée du cursus d’études de 7 à 6 ans. Une mesure rejetée avec véhémence par les futurs médecins en raison, arguent-ils de son impact, sur la qualité de la formation médicale à un moment où il y a besoin d’en améliorer le contenu notamment par les stages cliniques. Le maintien de la décision en question les a fait détourner des amphithéâtres et poussé à boycotter les examens et les sessions de rattrapage. Une année perdue. Un gâchis monumental pour tout le monde. Les étudiants et le pays. Rarement mouvement de protestation estudiantine au Maroc a fait montre d’une détermination aussi forte comme en témoignent la teneur des micro-trottoirs circulant sur les réseaux sociaux. Ceux-là sont prêts à mourir pour ce qu’ils considèrent comme une cause juste et non négociable, donnant l’impression que rien, y compris les poursuites judiciaires, ne brisera leur mouvement ni ne les fera reculer.
Sauf annulation de la mesure de la discorde qui cristallise leur contestation et alimente leur colère. «Sept ans ou rien» a été érigé en slogan de leur mobilisation. « A prendre ou laisser », leur réplique l’exécutif. Inédit, le bras de fer s’installe et se radicalise au risque de déstabiliser durablement les facultés de médecine et d’accentuer, par voie de conséquence, la pénurie de médecins dont pâtit gravement le pays en raison notamment de l’exode continu des praticiens. Qui a tort et qui a raison dans cette affaire? peu importe de le savoir du moment que les protagonistes du conflit campent chacun sur sa position. On connaît les dommages engendrés par le blocage plus que de raison de la formation médicale et de son coût colossal pour le pays. Mais où est le bénéfice pour le Maroc et le secteur dans l’entêtement à raboter les années d’études ? N’existe-il pas une voie médiane pour sortir par le haut de ce mauvais film ? Et puis, il y a cette triste question qui suscite un gros malaise : quel sentiment doit éprouver un futur médecin qui s’estime non écouté par son gouvernement, se sent malmené et qui se voit, cerise sur le gâteau, traîner devant la justice ? N’est-ce pas là le meilleur moyen d’accentuer la crise de confiance et de pousser y compris ceux qui n’y ont jamais songé à nourrir le projet de s’expatrier? Qui peut faire la radioscopie de ce qui relève d’abord d’un échec politique déplorable et surtout arrêter cette dangereuse paralysie qui laissera bien des traces ?
Poin de vue : Azzeddine Hachimi Idrissi
Est ce vrai ? Il semblerait que c’est « surtout » pour des raisons d’équivalence du diplôme à l’international et de migration que les étudiants en médecine sont en grève (?).
On dit aussi que les plus bruyants et les plus sonores sont ceux qui voudraient exercer à l’étranger. Rien à négocier ! Ils rejettent radicalement la réforme qui fait passer la durée des études de 7 à 6 années.
Il y a bien sur d’autres motifs qui alimenteraient cette longue grève. Y compris chez les étudiants qui ne veulent pas migrer. Merci infiniment à eux. Mais le nombre de ceux qui ont fait les choix du pays reste toujours insuffisant.
Sachant que près de 700 médecins marocains partent chaque année…qui va soigner les Marocains ? Le Maroc a besoin de 47 000 médecins et de 65 000 infirmiers et techniciens de santé…alors que les effectifs actuels sont en diminution.
Le ratio marocain est déjà très faible : 7,3 médecins pour 10 000 habitants. Nettement inférieur aux recommandations de l’OMS : 15,3 médecins pour 10 000 habitants. Pour justifier la grève, on dit que le passage de 7 à 6 années d’études va « dégrader » la qualité de la formation. Pour certains, ce n’est qu’un prétexte ! D’autres estiment que les « étudiants en médecine » ne sont pas des élus représentant de la nation, ni des représentants du Gouvernement issu d’élections générales…pour « décider» ce qu’il faut faire ou ne pas faire pour la Santé du Peuple. Leur responsabilité politique n’est pas engagée.
De leur coté, les responsables assurent que la qualité de l’enseignement sera maintenue. La réforme a pour objectif fondé et incontestable de combler le déficit et aussi d’assurer la protection sociale généralisée, sans faire de concessions sur la qualité des études. Les responsables disent aussi que le Maroc n’a pas vocation à résorber le déficit des pays occidentaux par la fuite de médecins à la formation couteuse.
Oui. La situation de l’ensemble des médecins au Maroc n’est pas satisfaisante. Les rémunérations sont ridicules dans les hôpitaux publics. Les conditions de travail sont très difficiles. Les médecins doivent être écoutés. Il faut tout faire pour « retenir » nos médecins et améliorer substantiellement leur situation. Et surtout ceux qui exercent dans le Maroc profond.
Bien sûr, certaines parties (qui se fichent de la médecine et de la durée des études) se sont greffées sur cette grève pour faire pourrir le climat. La réforme pour le passage de 7 à 6 années semble justifiée et nécessaire. Mais améliorer les conditions socio-économiques des jeune médecins, des élites qui ont investi une partie de leur vie dans de très longues études est aussi un devoir.