Leila Benali défend l’importation des déchets européens : L’écologie reçoit une grosse décharge

Le business des déchets est hautement juteux.

Nouvelle polémique sur l’importation par le Maroc des déchets industriels européens. La ministre de tutelle Leïla Benali est montée au créneau pour défendre sa décision face aux critiques des ONG écologistes.

Une ministre de la Transition énergétique et du Développement durable qui annonce publiquement que son département a délivré des licences d’importation de 2,6 millions de tonnes de déchets de plusieurs pays européens (France, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Norvège et Suède), avouez que l’affaire fait un peu désordre et a de quoi polluer le climat avec les défenseurs de l’environnement. Ces derniers sont montés immédiatement au créneau pour dénoncer un acte préjudiciable à l’environnement et à la santé publique. Réponse de la ministre Leïla Benali qui dans un communiqué balaie ces critiques d’un revers de la main en défendant le bien-fondé de sa décision. Leila Benali excipe de la Convention de Bâle dont le Maroc est signataire qui organise le contrôle des  mouvements transfrontaliers  des déchets dangereux et de leur élimination. Pour convaincre les sceptiques, elle ajoute que le Maroc a fait le choix d’importer les déchets industriels pour les recycler et en faire une matière première. Reste à savoir si ces importations sont motivées uniquement  par la valorisation…  

Parmi les principaux détritus introduits au Maroc figurent les pneumatiques en fin de vie utilisés comme carburant  par les cimenteries nationales. Ce qu’il faut savoir c’est que depuis 2006, la législation de l’Union européenne a interdit la mise en décharge des pneumatiques usagés (excepté les pneus de vélo et de diamètre extérieur supérieur à 1400 mm). Comme il est très difficile de revaloriser tous les déchets sur le territoire européen, une partie est expédiée vers des pays africains dont le Maroc. Au cours de l’été 2016, les autorités marocaines, qui se préparaient à accueillir la COP  22, avaient bloqué l’entrée au pays de pneumatiques en provenance d’Italie suite à la mobilisation des ONG qui avaient dénoncé une opération anti-écologique.

Nous sommes en face d’un commerce florissant de certaines matières premières jugées trop précieuses pour les jeter après un premier usage.

Nous sommes en face d’un commerce  florissant de certaines matières premières jugées trop précieuses pour les jeter après un premier usage. Ainsi  par exemple du plastique qui fait l’objet d’un processus de  recyclage en vue de lui  donner plusieurs vies dans le cadre de solutions de réutilisation. Ce business hautement juteux a enfanté des réseaux illicites de trafic de déchets . Rien qu’en 2020, dans les pays de l’OCDE, plus de 1,7 milliard de tonnes de déchets plastiques ont été envoyés de façon illégale à des pays tiers via des intermédiaires ou des « courtiers ».

Alors que certains pays africains ont du mal à gérer leurs propres déchets, ils accueillent  ceux des pays développés.

Or, selon la convention de Bâle, entrée en vigueur en 1992, les pays ne peuvent pas exporter leurs déchets toxiques sans le consentement des pays destinataires. C’est pourquoi les pays exportant par exemple des déchets électroniques hors d’usage vers  le continent africain le font donc sous couvert d’un don « charitable »: les objets transportés sont considérés comme des biens de seconde main, autrement dit des matériaux électroniques d’occasion, qui sont, eux, autorisés. 

Résultat : le continent africain est submergé de déchets, devenant le dépotoir du monde industrialisé. Des décharges sauvages  surgissent un peu partout et plusieurs pays, dont l’Éthiopie, le Congo, le Burkina Faso, le Mozambique, le Mali ou le Niger voient leurs décharges déborder d’ordures ménagères mais aussi de matériaux toxiques ou d’équipements électroniques, venus de pays développés.

En 2018, un rapport de la Banque mondiale estimait que l’Afrique devrait produire trois fois plus de déchets à l’horizon 2050. « L’Afrique subsaharienne a généré 174 millions de tonnes de déchets en 2016, avec un taux de 0,46 kilogramme par habitant et par jour », indique le rapport qui ajoute qu’en Afrique sub-saharienne, 69% des déchets sont déversés à ciel ouvert et souvent brûlés. 24% sont éliminés sous une forme quelconque et environ 7% d’entre eux sont recyclés ou récupérés.

Importation des déchets de l’UE : La Turquie championne

En 2022, l’UE a exporté 32,1 millions de tonnes de déchets vers des nations hors de son espace territorial. La Turquie s’est distinguée en tant que principale destination de ces déchets avec un volume de 12,4 millions de tonnes, soit 39 % du total des exportations.  La Turquie reçoit essentiellement les métaux  ferreux qu’elle recycle dans  son industrie métallurgique et sidérurgique. De plus, la proximité géographique facilite le transport et la logistique de ces  déchets qui sont moins coûteux pour les entreprises européennes. Ensuite, l’Inde s’est positionnée en deuxième place, ayant reçu 3,5 millions de tonnes de déchets en provenance de l’UE au cours de la même période. Suivent dans le classement le Royaume-Uni (2,0 millions de tonnes), la Suisse (1,6 million), la Norvège (1,6 million), l’Égypte (1,6 million), le Pakistan (1,2 million), l’Indonésie (1,1 million), et enfin le Maroc et les États-Unis, chacun ayant reçu 0,8 millions de tonnes de déchets.

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