Syndicat mondial revendiquant la représentation de plus de 20 millions de travailleurs issus de 150 pays dans le secteur des services, UNI Global Union a adressé une lettre au centre d’appel Majorel Outsourcing a Mohammedia, filiale du groupe Teleperformance, suite au licenciement en mai dernier pour faute grave de trois déléguées syndicales opérant dans le site en question. Ce à quoi l’antenne marocaine de Teleperformance a répondu en affirmant qu’il s’agit d’une mesure « strictement disciplinaire et non discriminatoire». Or, lors d’une réunion qui a eu lieu au siège de la direction régionale de l’emploi à Mohammedia en date du 22 mai 2025 entre les membres du bureau syndical UMT de l’entreprise et le représentant de Majorel Outsourcing pour « résoudre ce conflit », ce dernier a formulé une proposition qui laisse songeur: accorder aux trois déléguées leur solde de toute compte alors que leur «licenciement pour faute grave» leur a été notifié « sans préavis ni indemnités» ! Cette offre révèle l’embarras de la direction de Majorelle par rapport à ce dossier où elle n’a pas agi selon les règles de l’art.
Lettre de UNI Global Union à la filiale marocaine de Teleperformance
« Je tiens à exprimer notre plus vive préoccupation et à déposer une plainte officielle concernant le licenciement au Maroc de trois délégués syndicaux liés à l’Union Marocaine du Travail (UMT), affiliée à notre organisation, conformément à notre résolution de l’Accord Global.
Les camarades concernés sont :
· Majdouline HAÏTI, licenciée le 12 mai 2025
· Mouna NAOUR, licenciée le 13 mai 2025
· Rajaa ZOUBEIR, licenciée le 14 mai 2025
Tous exerçaient des fonctions de représentation syndicale légalement reconnues sur leur lieu de travail et ont été licenciés de manière échelonnée. Ces faits, déjà signalés par l’UMT aux autorités nationales, constituent non seulement une violation de la législation marocaine en vigueur, mais également une violation des principes fondamentaux énoncés dans l’Accord mondial sur la responsabilité sociale signé entre UNI Global Union et TP SE, ainsi qu’une atteinte directe aux principes internationaux fondamentaux relatifs au travail décent, au droit à la liberté syndicale et aux droits humains.
Violation du Code du travail marocain
Conformément à l’article 457 du Code du travail, tout licenciement ou sanction d’un délégué du personnel élu doit être expressément autorisé par l’inspecteur du travail. En l’espèce, l’autorité du travail s’est opposée au licenciement des trois travailleurs, recommandation qui a été arbitrairement ignorée par l’entreprise.
Violation de l’Accord mondial Teleperformance-UNI sur la responsabilité sociale (Clause 3 – Principes fondamentaux)
Cet acte constitue une violation flagrante de la Clause 3 de l’Accord mondial entre UNI Global Union et Teleperformance, qui affirme l’engagement de l’entreprise à respecter et à promouvoir la liberté syndicale, la négociation collective et les droits des travailleurs, conformément aux conventions de l’OIT et aux lois nationales. Le licenciement de représentants syndicaux pour l’exercice de leurs fonctions est en contradiction directe avec ces engagements.
Utilisation illégale de la vidéosurveillance à des fins disciplinaires
L’entreprise a justifié ces licenciements en invoquant une prétendue « violation du règlement intérieur » par un accès non autorisé à une zone de production. Or, cette accusation repose sur l’utilisation d’images de vidéosurveillance captées alors que les travailleurs exerçaient des fonctions syndicales, ce qui constitue une violation flagrante de la délibération n° 350-2013 de la CNDP (Commission nationale de contrôle de la protection des données personnelles). Ce règlement établit que la vidéosurveillance doit avoir pour seul objectif la protection des personnes et des biens et interdit expressément son utilisation pour surveiller l’activité syndicale ou sanctionner les salariés.
Non-respect des conventions fondamentales de l’OIT
Ces licenciements constituent une violation flagrante des conventions n° 87 et 98 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) relatives à la liberté syndicale, à la protection du droit d’organisation et à la négociation collective, toutes deux ratifiées par le Maroc. Selon ces instruments, les autorités et les employeurs doivent s’abstenir de tout acte d’ingérence restreignant le libre exercice des droits syndicaux.
Les collègues licenciés ont été élus en juin 2021 et leur statut de représentants a été formellement et immédiatement notifié à l’entreprise. Leur participation à la vie syndicale a été visible, active et conforme à la loi.
Loin d’être un conflit individuel, ces licenciements s’inscrivent dans une stratégie d’intimidation et de démantèlement progressif de la représentation syndicale sur le lieu de travail, générant un climat de peur, d’autocensure et de vulnérabilité parmi le personnel. Cela porte atteinte non seulement au syndicat local, mais aussi au droit collectif des travailleurs de s’organiser librement, d’exprimer leurs opinions et de défendre leurs conditions de travail.
Pour tout ce qui précède, UNI Global Union exige :
1. La réintégration immédiate de Majdouline HAITI, Mouna NAOUR et Rajaa ZOUBEIR, avec la restitution intégrale de leurs droits syndicaux et du travail.
2. L’annulation des sanctions découlant de l’utilisation illégale de systèmes de vidéosurveillance à des fins de maintien de l’ordre.
3. L’établissement de garanties spécifiques de non-répétition, notamment le contrôle de l’utilisation des caméras dans les locaux de l’entreprise et le respect absolu de l’activité syndicale.
4. L’ouverture urgente d’un dialogue avec l’UMT, syndicat représentatif et légitime de l’entreprise, afin de résoudre ce conflit conformément à la législation nationale et internationale. Nous sommes convaincus que, compte tenu de la gravité des faits, TP saura agir de manière responsable et corriger une décision qui a non seulement violé les droits fondamentaux, mais également compromis la réputation et l’intégrité de sa marque au niveau international.
Nous restons disponibles pour organiser une réunion urgente afin de résoudre ce conflit par le dialogue et dans le respect des principes du travail décent, du respect mutuel et de la responsabilité d’entreprise. »
Réponse de la filiale marocaine de Teleperformance à UNI Global
« Nous tenons à clarifier les faits et à réaffirmer le caractère strictement disciplinaire et non discriminatoire des mesures prises à l’encontre de ces salariés : Le 15 avril 2025, la direction a été dûment informée (recours de l’équipe de la Hotline Éthique Mondiale) d’un incident de sécurité impliquant une employée qui avait utilisé son badge d’accès personnel pour permettre à deux autres employés, non autorisés à accéder à la zone concernée car n’étant pas impliqués dans l’activité concernée, de pénétrer dans un périmètre sécurisé.

personnel élu doit être expressément autorisé par l’inspecteur du travail.
Conformément aux protocoles internes régissant la sécurité des accès physiques, une enquête interne approfondie a été immédiatement ouverte. Celle-ci comprenait l’analyse des enregistrements du système de vidéosurveillance. Les preuves matérielles recueillies lors de cette enquête ont formellement confirmé une violation manifeste des règles d’accès à une plateforme de production certifiée PCI-DSS, entraînant une intrusion injustifiée dans une zone à accès restreint. Les trois employés concernés ont été convoqués à des entretiens individuels, au cours desquels ils ont reconnu les faits et admis avoir facilité l’accès à une zone protégée sans autorisation préalable.
Il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du règlement intérieur et aux dispositions spécifiques relatives à la sécurité des accès, le badge d’identification personnel est strictement nominatif et ne peut en aucun cas être utilisé par ou au profit d’un tiers, sauf dérogation expresse et formelle. Il convient également de noter que, si les organisations syndicales sont habilitées à demander l’accès aux installations dans le cadre de leurs prérogatives légales, celui-ci reste strictement régi par des procédures internes, qui nécessitent une autorisation préalable et l’activation nominative du badge d’accès, afin de garantir la traçabilité des accès et le respect des exigences contractuelles et réglementaires.
Violation du Code du travail marocain
L’entreprise est seule habilitée à statuer sur le respect du règlement intérieur et des consignes de sécurité.
En cas de divergence entre l’avis de l’inspection du travail et celui de l’entreprise, c’est le tribunal social qui intervient pour qualifier le licenciement de justifié ou non.
Utilisation illicite de la vidéosurveillance à des fins disciplinaires
L’utilisation des enregistrements de vidéosurveillance est strictement limitée à des fins de sécurité et n’a jamais eu pour but, directement ou indirectement, de surveiller les activités syndicales ou de fonder des sanctions disciplinaires à l’encontre des salariés.
Nous disposons d’une autorisation expresse de la CNDP (référence A-PO-1074/2023) pour l’installation et l’exploitation de systèmes de vidéosurveillance. L’accès aux images enregistrées est strictement réglementé et autorisé uniquement en cas d’incident nécessitant une vérification.
Tous les salariés ont formellement pris connaissance et accepté le règlement intérieur et la charte de sécurité de l’entreprise, qui stipulent explicitement que l’accès par badge est strictement personnel et que l’accès est limité aux zones désignées en fonction des droits d’accès individuels.
Les comportements constatés constituent une violation manifeste de plusieurs politiques internes, notamment le Code de conduite, la Politique de protection des données du Groupe, la Politique de sécurité des systèmes d’information et la Charte d’utilisation des ressources informatiques. Ces infractions justifient la consultation légale et proportionnée des enregistrements vidéo afin d’établir les faits et de déterminer la conduite à tenir.
Violation de l’Accord mondial Teleperformance-UNI sur la responsabilité sociale (Clause 3 – Principes fondamentaux) Nous avons été surpris par ces allégations. Nous entretenons et entretenons toujours une relation solide et constructive avec le bureau national de l’UMT depuis 2016, qui représente la majorité de nos sites. Par ailleurs, TP Maroc est la seule entreprise de notre secteur à avoir signé un accord d’entreprise avec l’UMT, accord renouvelé en janvier 2025 pour une durée de 3 ans.
Nous vous invitons à contacter le bureau national UMT de TP Maroc pour plus de détails sur la situation sociale sur nos sites (bureau.national.umt.tp.maroc@gmail.com).
Non-respect des conventions fondamentales de l’OIT
Il convient également de noter que, si les syndicats sont habilités à demander l’accès aux installations dans le cadre de leurs prérogatives légales, celui-ci reste strictement régi par des procédures internes, qui nécessitent une autorisation préalable et l’activation nominative du badge d’accès, afin de garantir la traçabilité des accès et le respect des exigences contractuelles et réglementaires. Nous réaffirmons le caractère strictement disciplinaire et non discriminatoire des mesures prises à l’encontre de ces salariés.»