Reconstruction post séisme d’Al Haouz : Des sinistrés dans la tourmente

Laila LAMRANI

Le processus d’indemnisation des sinistrés du séisme d’Al Haouz, auquel le gouvernement a débloqué plusieurs milliards, soulève des questions quant à son fonctionnement équitable sur le terrain. Témoignages de Talat N’Yacoub.

Les sinistrés du séisme d’Al Haouz connaissent des fortunes diverses. Ile ne sont pas tous logés à la même enseigne comme le montrent des témoignages à visage découvert recueillis par le Canard Libéré auprès de plusieurs victimes sur place, notamment dans la commune rurale de Talat N’yacoub qui a payé un lourd tribut à cette catastrophe naturelle qui a frappé le Maroc le 8 septembre 2023.

Certains sinistrés dénoncent une iniquité dans la distribution des indemnisations dues. Les maisons ont été complètement démolies dans le tremblement de terre, ce qui donne droit, à leurs propriétaires en vie selon le barème établi par le gouvernement, à une compensation financière de 140.000 DH. Mais certains candidats déclarent n’avoir reçu que 80.000 DH alors que la commission chargée du recensement des habitations endommagées les a consignés dans le registre des logements complètement détruits. C’est le cas de Omar Idomar, habitant du douar Toukhribine ( Talat N’yacoub) qui considère que la somme d’argent qu’il a perçue, soit 80.000 DH, est trop modique pour reconstruire sa maison. « J’habite à 8 kilomètres de la première route goudronnée et il me faut plusieurs voyages de sable et de ciments qui coûte chacun entre 4.000 et 4500 DH, sans compter le prix élevé de l’acier pour les fondations», se lamente notre interlocuteur qui ajoute dans un soupir de désespoir : «Un voisin sinistré est mort de souffrance morale pour n’avoir, quant à lui, reçu le moindre dirham en dépit de toutes les démarches entreprises auprès des autorités », explique notre interlocuteur qui réclame juste son dû. Djellaba usé autant que son visage qui porte les stigmates du dénuement, un autre sinistré, Brahim Aït Abdesslam, dit n’avoir reçu aucune aide financière alors que sa femme a péri dans le séisme. « Moi je ne demande pas d’indemnisation de relogement mais je veux juste connaitre la raison pour laquelle on m’a privé de mon droit au soutien », lâche-t-il.

Encore plus troublant est cet engagement rédigé en arabe que doit légaliser sur demande de certains agents de l’autorité locale en mentionnant son nom, son numéro de carte d’identité nationale, le nom du douar et celui de la commune le candidat éligible à l’aide au relogement. Par cet engagement, le signataire certifie que la somme de 20.000 DH est suffisante pour la remise en état de son habitation tout en s’engageant à y retourner dès la fin des travaux de restauration! Or, le montant de 20.000 DH concerne la première tranche de l’aide financière d’un total de 80.000 DH portant sur la réhabilitation des maisons partiellement effondrées à cause du séisme.

Quid des 60.000 DH restants ? Qui va en profiter ? Si le bénéficiaire refuse de légaliser le document en question, il risque d’être privé de ses droits. Soit il se contente de 20.000 DH, soit il n’a que dalle ! Ce sont des petites gens démunies qui ne savent pas quoi faire. Leur détresse est d’autant plus immense qu’ils n’ont pas les moyens d’affronter ce qui ressemble à des abus. Les pauvres sinistrés ne sont pas sortis de l’auberge. D’ailleurs, plusieurs habitants des hameaux de Talat N’Yacoub ont mené depuis août dernier des actions de protection pour dénoncer l’exclusion dont ils s’estiment être victimes tant en ce qui concerne l’aide directe de 2500 DH par mois que l’indemnisation de reconstruction ou de restauration de leurs logements.

Tous ces éléments jettent un certain doute sur la transparence du processus d’indemnisation des sinistres qui ont perdu soit totalement soit partiellement leurs maisons dans le tremblement de terre. Voilà qui met au centre de toutes les interrogations ceux qui ont la haute main à l’échelon local sur la distribution des fonds d’indemnisation. Dans cette tragédie, il n’y a pas seulement des murs à construire mais aussi des briques à ramasser…

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