Véhicules M rouge : Au secours, la gabegie klaxonnante revient ! 

Les M rouge sont multi-tâches.

En matière de parc auto, le Maroc est un champion toutes catégories qui roule à tombeaux ouverts. Au diable, les règles prudentielles et de bonne gouvernance.  

Depuis plus d’une année, on assiste à un retour en force des fameuses M rouge dans le paysage national qu’il soit urbain ou rural. Et pas seulement de petite gamme  comme c’était le cas  naguère. Les plaques M Rouge sont désormais  collées à des véhicules de gamme supérieure, berlines et autres 4X4. Qui dit mieux ?     

Et pourtant, ces véhicules de l’État  avaient été supprimés en 1998 par le gouvernement d’alternance dirigé par feu Abderrahmane Youssoufi.  Ce dernier a voulu faire de la réduction du parc auto de l’État, pléthorique à souhait, l’une de ses premières mesures-phare annonçant la fin de la gabegie et le gaspillage à grande échelle qui caractérisent l’utilisation des fonds publics. Tout à sa volonté louable de  rompre avec ces pratiques pour  rationaliser l’usage de l’argent public , l’ex-Premier ministre socialiste a entrepris, juste après son arrivée en mars 1998,  de mettre en application le décret nº  2-97-1052, signé un mois plutôt  par son prédécesseur feu Abdellatif Filali. Ce texte  instaure une  indemnité de transport forfaitaire mensuelle oscillant entre 1250 et 3000 DH au profit de certaines catégories de fonctionnaires et d’agents de l’État, précisées dans l’article 1 : « Les directeurs d’administration centrale, les membres de cabinet des membres du gouvernement, les chargés d’études, les chefs de division, les chefs de service  et les fonctionnaires exerçant des fonctions assimilées, bénéficient d’une indemnité forfaitaire pour l’utilisation dans l’intérêt  du service de leur voiture automobile personnelle. »

A en croire les chiffres de la société nationale du transport et de la logistique (SNTL), le parc roulant de l’État  comptait  jusqu’ à fin décembre 2019  quelque 153.000 véhicules pour environ 1 million de fonctionnaires. Dans ce domaine, le Maroc est un champion toutes catégories qui roule à tombeaux ouverts. Au diable, les règles prudentielles et de bonne gouvernance. C’est ce qui lui a permis de percuter de nombreux pays riches comme les États-Unis, le Canada, la France, le Japon ou l’Italie qui avec  plus de fonctionnaires tournent avec un parc auto beaucoup moins important que celui du Maroc. Sortez maintenant vos calculettes pour avoir une petite idée sur les  dépenses annuelles en  carburant et les frais d’entretien occasionnés par cette armée de fonctionnaires qui roule aux frais de la princesse. 

N’essayez surtout pas de compter la charge financière  que représente une autre pratique budgétivore opaque qu’est la location longue durée ( LLD) utilisée par  bien des  administrations et de collectivités  territoriales. Vous risquez d’avoir  tout simplement le tournis…

L’État marocain a-t-il réellement besoin d’une flotte automobile aussi démesurée  sans commune mesure avec le rendement général de ses agents? Les difficultés de la conjoncture et les impératifs de gestion en bon père de famille ne commandent-ils pas de la part du gouvernement de mettre un frein aux dépenses superflues et de  réduire le train de vie de l’État ? Faut-il déduire de  cette inaction que l’exécutif attend  pour agir qu’il soit interpellé sur ce sujet aussi  par le chef de l’État ?

Plus grave encore, les véhicules de l’État n’ont pas de panneau stop dans leur logiciel. Résultat :  ils sont constamment sur les routes. Les jours ouvrables, comme les week-end et les périodes de fête ou de congé. Et puis, au Maroc, les voitures M rouge sont magnifiquement  multitâches et ne rechignent pas à la besogne. 

En plus de permettre de faire des courses, elles servent à  à déposer  les enfants à l’école, de conduire  maman et ses fifilles chez le coiffeur, et peuvent même transporter des animaux, de préférence les moutons de l’Aïd El Kebir ! C’est fabuleux, non ? Tant de laxisme et de complaisance sur fond d’un tel laisser aller, signe d’un certain relâchement politique,  est pour le moins troublant.

Plus troublant encore est le retour des véhicules M rouges alors qu’ils ont été supprimés  par décret. Or, d’un point de vue juridique, un décret ne peut être annulé que par un autre décret. Ce qui n’a pas été fait. Les véhicules M rouge sont revenus comme par enchantement. Sous d’autres cieux que bien de hauts responsables marocains admirent, les choses se passent différemment. Les gouvernements respectent leurs propres lois. Et surtout leurs citoyens. Sur un plan politique, le non-respect des dispositions du décret de 1998 constitue  une régression qui interroge. Le Maroc avance-t-il en mode marche arrière?

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