Le film Burning Casablanca (Zanka contact), du cinéaste marocain Ismaël El Iraki, sortie le 3 novembre en France, interdit au moins de 16 ans au Maroc mais y est quand même diffusé est une victoire pour le réalisateur présent au festival de L’Île-Rousse en Haute-Corse (France). Derrière la musique, le cinéaste qui croit beaucoup à la poésie de la rue évoque la société marocaine, la condition féminine, la liberté, le poids de la religion et des religieux.
Après les écrans français, Ismaël El Iraki sera à nouveau en Corse les 18 et 19 novembre courant à l’invitation de l’association Sirocco à Bastia en partenariat avec Arte Mare au Régent, et au cinéma l’Ellipse. « Ce film on a mis du temps à le financer parce que là ça fait dix ans que l’on se tape les islamistes au Maroc et il s’est passé deux choses extraordinaires le même jour il y a environ un mois maintenant. La première séquence du film c’est cette jeune fille qui rentre dans un taxi et qui dégage un islamiste du taxi. Et à 95 % dans les urnes les Marocains, il y a un mois maintenant, ont dégagé les islamistes du taxi. C’est-à-dire qui le gouvernent islamiste est passé de 130 à 12 sièges islamistes au parlement. On a cette décision – ce vote populaire, cette puissance des urnes, et bien le même jour on a la décision de censure sur mon film qui tombe. Sachant que mon court métrage précédent avait été interdit et avait été diffusé énormément au Maroc sous le manteau. Quand on allait présenter notre film dans les commissions c’était dur car évidement on n’était pas en odeur de sainteté et cela était très compliqué pour le financer. »
Ismaël El Iraki © Radio France – Dominique Landron. Une victoire malgré la censure.
« Le même jour donc que cette décision des urnes, tombe la censure du film qui est interdit aux moins de 16 ans, mais le film sera bien diffusé au Maroc dans la version que l’on a pu diffuser en Corse. Cela est une énorme victoire sachant d’où l’on vient. Il se passe quelque chose en ce moment, évidemment rien n’est tout blanc ou tout noir, mais il y a quelque chose qui se passe un mouvement extraordinaire. Il y a une puissance de la jeunesse de cette génération qui arrive notamment de cinéastes aussi. » Ce film a été présenté à la Mostra de Venise l’an dernier dans la section Orrizonti. Le public du festival de Lama a pu le découvrir en avant-première au mois d’août dernier, cette fois c’était aux spectateurs du festival Lisula-Cinémusica de voir Burning-Casablanca-Zanka contact avant sa sortie nationale, en présence du réalisateur. Un film qui nous conte la relation amoureuse entre une rock star déchue et une prostituée à Casablanca. Présenté en première mondiale à la Mostra de Venise, le film a su se faire remarquer en séduisant le public et les médias qui n’ont pas tari d’éloges à son égard. Une performance pour ce premier long-métrage du réalisateur marocain surtout que l’une de ses actrices marocaines, Khansa Batma, a obtenu le prix de la meilleure actrice pour son rôle de « Rajae» dans la rubrique « Horizons », lors de la cérémonie de clôture de ce prestigieux festival dont la 77ème édition s’est clôturée le 12 septembre après avoir bravé l’épidémie du covid-19, en se déroulant aux dates prévues. Tourné en 2019 dans la ville de Casablanca et ses environs, le film réunit Said Bay, Fatima Atef, Khansa Batma, Abdel Rahman Mbiha, Mourad Zaoui et Ahmed Hammoud qui incarne le rôle de « Larsen » une rockstar toxicomane marocaine qui a fait carrière en Angleterre…
La musique rock sert de toile de fond au film qui déroule de nombreux évènements ayant eu lieu au Maroc. L’idée du film est venue à Ismaël El Iraki, 36 ans, de son propre stress post-traumatique à la suite des attentats du Bataclan à Paris dont il a été l’un des survivants. Ce film rock, comme présente son réalisateur, raconte l’histoire de « Larsen », un rocker dépassé et qui a perdu sa voix. Il tombe amoureux de Rajaa (Khansa Batma), une ex-prostituée à la voix d’or pour qui il compose des chansons inspirées de sa vie nocturne dans les rues dangereuses de Casablanca, un Maroc underground et méconnu (Voir le Canard N°617).