L’émancipation de la femme est le cheval de bataille de la romancière Leila Slimani, un cheval gagnant. Le sujet passe-partout s’offre comme la fenêtre idéale pour inviter le lecteur à revisiter ou plutôt revisionner une époque de la relation maroco-française, en constante évanescence dans l’imaginaire et la mémoire collectifs des deux peuples. Paru le 6 mai 2021 en format Poche chez Gallimard (Collection Folio), « Le pays des autres» se présente donc comme un rétroviseur donnant, comme c’est souvent le cas, la part belle à la société française, un milieu plus clément pour la femme marocaine, et plus accueillant pour l’homme marocain …
«“Ici, c’est comme ça.” Cette phrase, elle l’entendrait souvent. À cet instant précis, elle comprit qu’elle était une étrangère, une femme, une épouse, un être à la merci des autres. » La Française Mathilde tombe amoureuse en 1944 d’Amine, un Marocain venu combattre dans l’armée française. Toujours la même rengaine, comme si l’unique manière pour un Marocain de prouver son amour par la France c’est d’aller guerroyer sous les drapeaux tricolores… « Rêvant de quitter son Alsace natale, la jeune femme s’installe avec lui à Meknès pour y fonder une famille. Mais les désillusions s’accumulent: le manque d’argent, le racisme et les humiliations fragilisent leur couple…» Là aussi le même refrain, les mêmes clichés, qui sont de notoriété publique.
L’auteure qui a grandi dans une famille aisée d’expression française, semble, à travers ce dernier roman en date, garder pour ne pas dire cultiver une certaine nostalgie pour le Maroc d’avant l’indépendance. «Ce pays ambivalent, qui réclame une indépendance que les hommes refusent pourtant aux femmes ». Leïla Slimani est née en 1981 à Rabat et vit à Paris. Elle a publié trois romans aux Éditions Gallimard : Dans le jardin de l’ogre, Chanson douce, récompensé notamment du prix Goncourt en 2016, et Le pays des autres. Elle est aussi l’autrice de récits, d’essais et de bandes dessinées. Son père, Othman Slimani (1941-2004), issu d’un milieu modeste, était un ex PDG du CIH Bank et un haut fonctionnaire marocain, secrétaire d’État chargé des Affaires économiques de 1977 à 1979 ; sa mère, Béatrice-Najat Dhobb Slimani est médecin ORL. Elle a été la première femme médecin à intégrer une spécialité médicale au Maroc.