Sur le boulevard d’Anfa qui longe l’école espagnole, deux passages piétons, pourtant essentiels pour la sécurité des enfants et des parents, ont été supprimés lors du dernier réasphaltage de la voie. En guise de compensation, la commune d’Anfa a installé un panneau publicitaire géant devant l’établissement ! Ce geste soulève plusieurs interrogations, à la croisée de l’urbanisme, de l’éthique visuelle et de la responsabilité publique.
Et puis, l’environnement scolaire ne devrait-il pas être préservé de la pression commerciale, surtout lorsqu’il s’agit d’élèves, exposés à un matraquage publicitaire permanent? Sauf à considérer qu’il n’y a pas plus formateur pour les enfants que d’apprendre très tôt les lois de la réclame ! Dans ces conditions, le message est clair : Oublions les arbres, les bibliothèques ou les fresques éducatives. Rien n’est précieux qu’un bon 4×3 criard pour leur rappeler que dans la vie, l’espace public n’est qu’un support de pub qui crache du cash!
Omniprésents, souvent envahissants et placés contre le bon sens , ces mastodontes de l’affichage- surdimensionnés pour l’espace urbain car conçus pour les zones autoroutières- se sont imposés depuis longtemps comme les nouveaux totems de la ville. Ils surgissent à chaque coin de rue, devant les écoles, les hôpitaux, les administrations, les places publiques, parfois même en double ou en triple file. Qu’importe la visibilité, la vue, la sécurité, l’air frais, ou l’harmonie urbaine : ce qui compte, c’est le mètre carré à louer, la visibilité à vendre, et surtout, le profit à encaisser. A Casablanca, le vrai poumon vert, c’est le billet de banque.
Témoignant d’une forme de marchandisation à outrance de l’espace public, où le moindre mètre carré est exploité, même au détriment de la cohérence urbaine ou du bien commun, cette affaire met en lumière un laxisme douteux et des dysfonctionnements dans les règles de zonage publicitaire. Où sont en effet les garde-fous pour protéger certains espaces sensibles (écoles, hôpitaux, lieux de culte) ?
Ce business juteux , géré en sous-main par quelques sociétés bien introduites, est une pompe à fric monumentale. Casablanca n’est plus une ville, c’est un catalogue grandeur nature où les trottoirs, les façades et même les ronds-points servent d’espace d’exposition pour tout et n’importe quoi. La ville est littéralement colonisée par la pub, au détriment de ses habitants et de son esthétique.
Tout se passe comme si on avait troqué l’ombre des arbres contre l’ombre des profits. À défaut de chlorophylle, on respire du visuel publicitaire. A Casablanca, on coupe des arbres pour planter des panneaux. On n’arrose plus les racines, mais les budgets marketing.








