Annus horribilis

Si s’amuser à prévoir l’avenir reste un pari risqué, il n’en demeure pas moins qu’il est un exercice important pour tenter de dégager les grandes tendances mondiales à venir. Ce qui est certain c’est que le monde est entré depuis le Covid et ses morts (humaines et surtout économiques) dans une ère en polycrises, rythmée par une succession de  bouleversements qui surviennent dans un contexte international  de plus en plus complexe et illisible où tout s’imbrique, le politique, le géopolitique et l’économique. En plus des tensions qu’ils provoquent à diverses échelles, ces chocs en série  du fait de l’incertitude qui leur sont consubstantiels remettent en cause toutes les prévisions. Nous assistons non pas à la fin du monde mais certainement à la fin d’un monde façonné par les vainqueurs de  Deuxième Guerre mondiale.
2024 sera  sans doute influencée par les bouleversements majeurs de l’année  2023 qui dessinent un nouvel ordre ou  plutôt désordre mondial avec de nouvelles alliances géopolitiques de circonstance au gré des intérêts des uns et des calculs des autres. Car l’année  qui s’éteint dans le fracas d’un monde sans cap, en roue libre, hypocrite et cynique, est une annus horribilis à tout point de vue, dominée par les guerres dont la plus sordide est celle  que le colonisateur  israélien livre depuis le 7 octobre aux populations de Gaza sur fond d’un nettoyage ethnique flagrant. Premier  et principal constat  : ces crimes de guerre aux relents génocidaires d’une rare sauvagerie ont fait tomber les masques d’un Occident complice qui a vendu sans complexes  son âme au diable sioniste.  

Sans  se soucier des marches de protestation  sans précédent  de ses propres opinions publiques scandalisées par tant d’effusions de sang d’innocents  et le refus d’imposer un cessez-le-feu aux barbares sionistes. Les valeurs ou ce qui en reste  défendus jusque-là par ce bloc mené par les États-Unis ont volé en éclats, accélérant l’approfondissement de la crise morale qui le ronge. Sur ce terreau va se fortifier davantage la contestation  du monde unipolaire américain et ses satellites européens. Une hégémonie sur le déclin. Tout bénef pour la Chine qui réclame ouvertement un nouvel ordre mondial multipolaire mais aussi pour son allié russe que la guerre en Ukraine ne semble pas avoir affaibli. Vladimir Poutine a repris du poil de la bête, à la faveur du permis de tuer du palestinien, femmes et enfants par milliers, donné par l’Occident aux génocidaires de Tel Aviv. Son agression de l’Ukraine apparaît plus propre que les massacres atroces à Gaza couverts par  le camp occidental dans sa majorité.

Un monde multipolaire n’est certainement pas une garantie contre la fin de l’instabilité politique mondiale et peut même se révéler un incubateur de nouveaux conflits ou un accéléra-teur de crises sous-jacentes.

Unis dans la haine de l’Occident qu’ils jugent en proie à la décadence, Pékin et Moscou  s’appuient  sur les BRICS pour s’ériger  en porte-étendard du Sud Global qui rassemble une poignée de puissances émergentes comme le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. Tout ce beau monde qui rêve de la fin de supériorité américaine œuvrent pour la dédollarisation de l’économie mondiale. Or, un monde multipolaire n’est certainement pas une garantie contre la fin de l’instabilité politique mondiale et peut même  se révéler  un incubateur de nouveaux conflits ou un accélérateur   de crises sous-jacentes.
Ce qui est certain c’est que les États-Unis ont perdu de leur influence  au point de ne plus être  en position de dicter  leur loi : ils doivent désormais négocier.  Notamment au  Moyen-Orient où l’Arabie Saoudite de Mohamed Ben Salmane (MBS) a pris ses distances avec son protecteur traditionnel pour se rapprocher de la Chine et s’offrir une place à la table  des BRICS. Toutefois, les États-Unis détiennent encore deux pouvoirs qui leur permettent de perpétuer leur suprématie :  le Dollar US qui leur ouvre la voie de l’endettement  sans que cela tire à conséquence pour eux et la technologie militaire fondée essentiellement sur le nucléaire  comme arme de dissuasion qui ne leur confère cependant qu’un avantage relatif face aux autres puissances nucléaires rivales.
La seule arme que les maitres du monde maitrisent en fait c’est celle de libérer le peuple palestinien du joug d’une occupation sauvage qui n’a que trop duré en imposant au colonisateur israélien  la solution à deux États. La pacification du monde, le retour à l’ordre moral et la fin des actes et des discours de haine en dépendent largement. Sauver la planète des ravages du changement climatique en changeant complètement de modèle énergétique n’est pas plus impossible, pour peu que la volonté politique y soit. S’inscrire rapidement dans une « transition hors des  énergies fossiles » ( pétrole, gaz et charbon) qui contribuent à hauteur de  80% aux émissions mondiales de gaz à effet de serre demeure  la seule planche de salut. Pour une planète à la dérive. La COP 28 de Dubaï a esquissé sur le papier un bye bye aux hydrocarbures. L’espoir est permis même si rien n’est acquis d’avance avec des dirigeants sans essence qui excellent dans l’art des promesses jamais tenues. Bonne année quand même. l

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