Les méthodes sordides du seigneur français des assurances, déchu et incarcéré à Paris, ont été dénoncées avec force détails lors d’une conférence de presse par ses victimes marocaines.
Viols sur mineure, Traite des êtres humains, atteinte à la pudeur, harcèlement sexuel, violence verbale et psychique, tels sont les chefs d’accusation qui pèsent sur Jacques Bouthier en France. Les faits présumés qui ont valu à l’ex-patron d’Assu 2000, rebaptisé Vilavi, d’être en délicatesse avec la justice se sont déroulés entre 2018 et avril 2022 à Tanger où l’assureur possède un centre d’appel qui recrute majoritairement des jeunes filles.
Les victimes, dont quatre d’entre elles ont témoigné, vendredi 17 juin, lors d’une conférence de presse, ont déposé plainte auprès du procureur de la ville du détroit.
Devant les journalistes, elles ont affirmé avoir été virées après avoir refusé de « céder au harcèlement et au chantage » de leur ex-patron « et de ses complices » parmi les cadres français et marocains de leur entreprise tangéroise.
« Il ne procédait pas seul. Il avait une armée de chefs qui étaient complices», a expliqué l’une d’elles. « Il m’a proposé de coucher avec lui et quand j’ai dit non, il m’a demandé si je pouvais lui présenter une sœur, une cousine ou une copine et que j’aurai un beau cadeau en échange ».
Une autre victime a assuré que M. Bouthier lui avait touché l’épaule et avait glissé sa main sur la poitrine dès son premier jour de travail. « J’avais 20 ans, ça m’a choqué ». Le refus de ses avances lui a coûté son poste et même des « menaces de mort ».
« J’ai entendu parler des soirées arrosées de Jacques et des cadeaux qu’il offre. On m’a proposé de coucher avec deux responsables, une femme et un homme, contre beaucoup d’avantages. Quand j’ai refusé, l’enfer a commencé », a raconté pour sa part une troisième victime.
« Il y a des témoins, il y a des preuves tangibles, il y a des échanges sur WhatsApp, par mail », a indiqué la présidente de l’association marocaine des droits des victimes, Aïcha Guellaa, qui a formulé l’espoir de voir d’autres victimes sortir de leur silence pour dénoncer les agissements de l’ex-chef d’entreprise. Le call center tangérois de la compagnie d’assurances était le terrain de prédation sexuelle de prédilection de celui qui a été mis en examen le 21 mai dernier à Paris à l’issue d’une enquête préliminaire ouverte à la mi-mars, avec cinq autres personnes. C’est lors de ces visites régulières au centre d’appel du groupe à Tanger que le prédateur sexuel opérait et repérait ses proies.
Profitant de sa position de patron, il s’enhardissait à agresser ses victimes en usant de méthodes sordides, de remarques graveleuses et d’un langage volontiers violent. « Ça allait de l’attouchement à du harcèlement, ou les deux. Plusieurs filles me disaient qu’il leur avait touché les seins, ou qu’il leur avait mis la main aux fesses », a raconté fin 2022 au micro de BFMV TV une employée, qui dit avoir alerté ses chefs hiérarchiques. Sans résultat. Ces derniers seraient impliqués dans ce qui ressemble à un véritable système bien huilé où ils jouaient le rôle de rabatteurs au profit du big boss. « Son terrain de chasse, c’était le standard, avec des filles entre 18 et 22 ou 24 ans. Pour la plupart, elles n’avaient pas de bonne situation financière », précise-t-elle.
Le scandale Bouthier a éclaté lorsqu’une victime de l’ex-patron d’Assu 2000, une jeune fille de 22 ans prénommée Nour, est venue déposer plainte à la mi-mars dans un commissariat parisien. La plaignante a détaillé devant les enquêteurs la manière dont Jacques Bouthier a abusé d’elle pendant plusieurs années en profitant de sa précarité financière. Deux autres filles marocaines sont tombées dans les filets du « porc » français adepte du sexe tarifé.
En 2020, le magazine Challenges classait Jacques Bouthier 487e dans son classement des principales fortunes de France.
Incarcéré en attendant l’ouverture de son procès, le septuagénaire est aussi poursuivi pour association de malfaiteurs en vue de commettre le crime d’enlèvement et séquestration en bande organisée et détention d’images pédopornographiques. Pour Jacques Bouthier et ses semblables, il n’existe pas de police d’assurance contre l’impunité.