La ville de Settat est confrontée depuis quelque temps à une recrudescence des cas de tuberculose. La consommation de lait et ses dérivés dont l’origine est douteuse est incriminée. Mais d’autres facteurs favorisent l’émergence de la maladie de la pauvreté.
« Je vous informe que l’ensemble des centres hospitaliers de la ville enregistrent une hausse notable des cas de tuberculose, en particulier dans le centre de santé Al Khair», lit-on dans une lettre, datée du 9 juin 2022, adressée par le délégué provincial du ministère de la Santé de Settat au Pacha de la ville. Le lanceur d’alerte attribue cette recrudescence des cas de la maladie au lait et ses dérivés vendus par les marchands ambulants dans les rues de la médina et aux abords des mosquées en dehors de tout respect des conditions d’hygiène. Selon le responsable, ces produits insalubres seraient les vecteurs de la bactérie de la maladie connue sous le nom de Bacille de Koch, du nom de Robert Koch qui la découvrit en 1882. Cette insalubrité alimentaire, qui n’est pas seulement spécifique à Settat mais qui sévit comme ce n’est pas permis dans la majorité des villes du pays comme Casablanca, interroge plusieurs niveaux de responsabilité. En plus des services communaux d’hygiène dont le rôle en matière de protection de prévention et de santé est directement en cause, il y a le laxisme patent des autorités locales qui au nom de certaines considérations ferment les yeux sur ces dérives dangereuses et bien d’autres qui se sont imposées comme allant de soi dans l’espace public, dans des proportions ahurissantes. Entre les vendeurs en plein air, dans les souks ou dans la rue, de divers sandwichs à base notamment de saucisses à l’origine douteuse qui attirent une clientèle nombreuse en quête de repas à petits prix et les gargotes sales qui font le plein grâce à leur menu bon marché composé de salades, tagines, salades et fritures, la bouffe de rue, ce « khanez u bnine» (sale et délicieux)» dont raffole une catégorie de la population, prend de plus en plus de place… Bonjour donc les cas d’intoxication alimentaire qui connaissent une envolée spectaculaire pendant la saison chaude. Mais qui contrôle vraiment la conformité hygiénique de ces divers produits alimentaires non identifiés ni tracés, mais manipulés lors de la préparation et de la cuisson par des mains souillées… ?
La consommation de lait et ses dérivés à l’origine douteuse n’est pas la seule cause de la tuberculose. D’autres facteurs comme la pauvreté et la précarité favorisent le « réveil » du bacille et la résurgence de la maladie. D’ailleurs, la tuberculose, c’est connu, prospère dans des milieux où sévissent la promiscuité, l’insalubrité et la malnutrition. La dégradation de la qualité de vie et des logements de la population la moins favorisée, exacerbée par la crise sanitaire et la guerre en Ukraine qui ont fait basculer des milliers de citoyens dans la pauvreté, n’est certainement pas étrangère au rebond de la tuberculose au Maroc. D’ailleurs, l’augmentation des cas de tuberculose concerne la plupart des régions du pays, principalement la région Casablanca-Settat qui de par son importance économique et son poids démographique concentre l’essentiel des facteurs favorisant l’émergence de l’infection tuberculeuse. Quelque 7.430 cas de tuberculose ont été dépistés en 2021, soit une incidence de 99 cas pour 100.000 habitants, selon un responsable du ministère de la Santé qui précise qu’en 2020 quelque 19.000 tuberculeux dont 3.000 ont été emportés par la maladie.
Un nouveau vaccin est nécessaire
La tuberculose est une maladie contagieuse et bactérienne transmise par l’air. C’est l’une des 10 principales causes de décès dans le monde, et c’est la deuxième cause de décès par un seul agent infectieux, se classant derrière le COVID-19 et devant le VIH/SIDA. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 1,8 milliard de personnes sont infectées par la tuberculose, dont la plupart ont la forme inactive de la maladie. En 2020, quelque 10 millions de personnes ont contracté la tuberculose active.
L’OMS a alerté sur la menace qui pèse sur les objectifs fixés pour 2022, principalement en raison du manque de financement. Le directeur général de l’Organisation, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a indiqué à cet égard que des investissements urgents sont nécessaires pour développer et élargir l’accès aux services et aux outils les plus innovants pour prévenir, détecter et traiter la tuberculose. Ce qui pourrait sauver des millions de vies chaque année, réduire les inégalités et éviter d’énormes pertes économiques. En matière de recherche et développement dans le domaine de la tuberculose, l’OMS estime le montant des investissements supplémentaires à consentir à l’échelle mondiale à 1,1 milliard de dollars en vue d’accélérer le développement de nouveaux vaccins. Le fameux BCG, le vaccin le plus administré au monde, qui a fêté 100 ans d’existence en juillet 2021, péchant par son efficacité partielle.