Dans leur majorité, ces élus sont dépourvus de toute vision de développement de leur territoire et de valorisation de ses atouts, comme en témoigne l’état désastreux de nombre de villes.
C’est une espèce de marronnier qui revient chaque année et il se rapporte à la démocratie locale dans son aspect budget d’investissements. D’un montant de 49,46 milliards de DH au titre de l’exercice 2023, ce dernier, selon les derniers chiffres la Trésorerie générale du Royaume (TGR, n’a été consommé qu’à hauteur de 15,46 milliards à fin décembre. Soit moins d’un tiers, ce qui représente un excédent de 34 milliards de DH qui vient s’ajouter à celui des années précédentes d’un montant de 17,6 milliards de DH.
En tout ,un cumul de 51,6 milliards de DH est revenu au Trésor faute d’avoir été investi par les collectivités territoriales ! Quelle performance !
Dans un pays qui souffre de déficits chroniques en matière d’équipements socio-éducatifs et d’infrastructures diverses, où tout reste à construire et à reconstruire, cette situation laisse songeur et appelle de nombreux questionnements. Qu’est ce qui explique les « bilans positifs » de ces très chères collectivités locales à un moment où la population est aux prises avec une multitude de carences dans le Maroc des villes et surtout des campagnes ?
En fait, cette situation met, encore une fois, en lumière une triste réalité : l’incapacité chronique des communes à consommer l’essentiel des ressources financières qui leur sont allouées. En cause, la faiblesse de la gouvernance locale qui souffre d’un déficit considérable en compétences techniques et en initiatives sous forme de projets utiles pour la collectivité.
Prenez par exemple les retraités condamnés à jouer aux dames à même la rue. Pas un seul conseil communal n’a songé construire à leur intention, alors qu’ils ont trimé toute leur vie, des clubs senior où des personnes de la même génération peuvent se rencontrer et exercer les activités de leur prédilection. Ce n’est là qu’un petit aspect de cette impéritie locale à grande échelle dont les auteurs n’ont pas non plus pensé aux loisirs de la jeunesse des quartiers livrés pour la plupart au désespoir et aux drogues les plus ravageuses. Ni aux ménages défavorisés des quartiers populaires qui ont besoin de crèches et de garderies de proximité pour leurs progénitures.
Dans leur majorité, ces élus sont dépourvus de toute vision de développement de leur territoire et de valorisation de ses atouts, comme en témoigne l’état désastreux de nombre de villes comme Azemmour, l’ex-cité portugaise chargée d’histoire et gorgée d’attraits , qui a vocation d’être un site balnéaire de premier plan.
Voilà qui dément la thèse du manque de moyens financiers, une fable derrière laquelle se cachent d’habitude les élus pour justifier leurs défaillances flagrantes sur pourquoi ils ont été élus : améliorer le quotidien de leurs concitoyens en étant à leur service tout en actionnant les leviers d’attractivité de la cité en élaborant un projet de territoire. Au Maroc, cette démarche se heurte sur le terrain à de multiples freins et incohérences où les partis politiques ont une grande part de responsabilité.
La principale compétence de ces édiles nocifs- car sans aucune valeur ajoutée pour leur pays dont ils plombent le développement territorial et défigurent le paysage urbain – s’exerce plutôt dans les détournements de fonds, les surfacturations des marchés, micmacs fonciers et autres monnayages des autorisations administratives, infractions révélées dans leurs rapports par la Cour des comptes et les Inspections du ministre de l’Intérieur.
Dans ce domaine. Ils rivalisent sans cesse de techniques innovantes en engageant une course effrénée pour rentabiliser au maximum l’investissement consenti sous forme d’achat d’investiture, de voix des électeurs et d’organisation de banquets.
Un véritable marché ou plutôt souk (électoral) de dupes dont les différents acteurs en présence s’accommodent et qui revient tous les quatre ans avec les mêmes pratiques néfastes reproduites par les mêmes profils accrédités par les partis. Ceux qui croyaient que les élections communales de 2021 allaient accoucher d’une meilleure gouvernance locale en rupture avec l’immobilisme islamiste teinté d’une certaine moralité de mauvais aloi en ont été pour leurs frais.
Bulle illusoire
Le spectacle indigne offert bien avant le bilan de mi-mandat sur fond de divisions fratricides entre les composantes de la majorité ( RNI, PAM et L’Istiqlal) par de nombreux conseils communaux, à Rabat, Fès, Tanger, Meknès, Kenitra… en dit long sur l’ampleur de la faillite de la démocratie locale. La montagne des promesses a accouché d’une souris.
Pourtant, l’espoir d’un renouveau suscité par l’arrivée de ce trio politique était d’autant plus permis qu’il contrôle, fait sans précédent dans les annales électorales, tous les leviers du pouvoir (gouvernemental, local et régional). Mais c’était in fine juste une illusion qui a crevé comme une bulle illusoire au vu de cette incurie débordante dont les responsables sont en sursis après le déclenchement de la campagne d’assainissement en cours au cœur des bastions de la prévarication. Une prévarication, traversant toute la classe politique, que les fameuses sociétés de développement local ( SDL), mises en place en vertu du dahir de 2009 réformant la charte communale de 1976, n’ont pas pu contrecarrer par leur vocation initiale supposée.
Celle de temple de l’expertise technique dans le montage et l’exécution des projets. A cet égard, l’expérience de la capitale économique dotée d’une multitude de SDL est très significative. Dans les faits, ces nouvelles enseignes ont tourné à l’usine à gaz engloutissant des budgets colossaux pour des projets réalisés depuis longtemps mais fermés au public jusqu’ ce jour (forêt de Bouskoura, grand théâtre de Casablanca, parc zoologique…) dans un silence assourdissant de la mairie de Casablanca et des autorités de tutelle… A ces niveaux d’amateurisme et de ratages, il ne reste plus peut-être qu’à donner les villes du pays en gestion déléguée…