Dans le champ politique français en ruines, la coalition des partis de gauche rassemblée au sein du Nouveau front populaire (NFP) apparaît comme le seul rempart contre l’extrême-droite.
Dans un entretien télévisé le janvier 2012 lors de l’émission Des Paroles et Des Actes (DPDA) sur France 2, Jean-Luc Mélenchon avait fait une déclaration prémonitoire : « A la fin ça se terminera entre nous et eux ». C’est-à-dire le front de gauche et l’extrême droite. Douze ans plus tard, on y est. Selon un sondage Ipsos pour France Bleu publié samedi 22 juin 2024, le Rassemblement national (RN) et ses alliés LR-Ciotti arrivent en tête des intentions de vote (35,5%), une semaine avant le premier tour des élections législatives anticipées du 30 juin. Le Nouveau Front populaire (NFP) arrive juste derrière (29,5%), loin devant le camp présidentiel (19,5%).
Loin derrière le trio de tête, les candidats LR opposés à l’alliance avec l’extrême droite sont donnés à 7% des intentions de vote. Ce score chétif souligne le laminage de la droite républicaine, héritière du gaullisme, dont la disparition a été annoncée lors de la même émission par le leader de la France Insoumise ( LFI) que personne n’avait écouté à l’époque et qui continue toujours à ne pas être pris au sérieux par ses adversaires politiques.
Parole protestataire
Or, la vérité c’est qu’il n’existe pas plus sérieux que Jean-Luc Mélenchon dans ce paysage politique français devenu trop anxiogène. Il fait partie des rares figures politiques à avoir une analyse lucide des enjeux politiques locaux et européens.A gauche, il est la seule voix militante qui porte la belle parole protestataire, un érudit de l’histoire de France et une mécanique intellectuelle qui fonctionne à plein régime.
Tribun qui fait le plein dans ses meetings, il présente cependant un défaut rédhibitoire aux yeux de ses contempteurs : sa dénonciation de l’islamophobie ambiante et la stigmatisation des musulmans de France.
Dérangés par les bons scores réalisés par LFI dans les milieux musulman, les dirigeants de l’extrême-droite, à commencer par Eric Zemmour de la droite et même d’une partie de la gauche sont allés jusqu’à conceptualiser le nouveau créneau politique qu’occuperait le leader des Insoumis : l’islamo-gauchisme. Depuis qu’il dénonce avec force mots le génocide des Palestiniens de Gaza par les sionistes au pouvoir à Tel Aviv, il s’est vu affubler d’une autre étiquette infamante : l’antisémitisme. En accusant le patron de LFI d’islamo-gauchisme et d’antisémitisme, une bonne partie de la classe politique française et de la sphère médiatique dans sa majorité a en vérité trahi leur véritable ADN: anti-musulmanes et pro-sionistes. Dit autrement, dans la France d’aujourd’hui, prendre fait et cause pour une composante essentielle de la société française de confession musulmane et condamner les massacres horribles des civils gazaouis par Netanyahou et son cabinet criminel d’ultra droite religieuse est jugé politiquement incorrect, voire infâme…
C’est dans ce carcan que les détracteurs de Mélenchon et de sa mouvance s’efforcent d’enserrer LFI pour le discréditer et freiner son élan politique. Or, le terrain du danger, qui menace la France, en l’occurrence l’extrême droite aujourd’hui aux portes du pouvoir, a été balisé par la droite de Sarkozy. En chassant sur les terres de l’extrême dont il a adopté les idées notamment l’identité nationale pour en siphonner les voix, l’ex-président français a banalisé le discours de l’extrême droite.
Dans ce champ politique dévasté, la coalition des partis de gauche rassemblée au sein du Nouveau front populaire (NFP) apparaît comme le seul rempart contre l’extrême-droite.
Si cet alignement sur l’idéologie lepéniste lui a permis de gagner la présidentielle en 2007 (promesse de sa campagne électorale, le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire sera créé sous le gouvernement de François Fillon), il a eu comme conséquence de faire sauter la digue entre al droite et l’extrême droite en rendant plus sympathique le visage de cette dernière.
Tout à sa volonté de séduire l’électorat de l’extrême-droite, Emmanuel Macron adopte la même méthode qui avait réussi à son prédécesseur. Il ne se contente pas seulement de reprendre les thèmes et les termes de l’extrême-droite («ordre», uniforme et apprentissage de la Marseillaise à l’école, «réarmement civique» et service national universel,…) mais il va plus loin en faisant adopter par son gouvernement la loi contre les séparatisme et la loi « immigration ». Ce faisant, il ne fait pas que valider les idées du Rassemblement national, il les installe dans le débat politique en les légitimant. Comment voulez-vous que l’extrême-droite n’ait pas le vent (électoral) en poupe ? En fait, la stratégie de dédiabolisation de l’extrême-droite a été initiée en premier lieu par la droite elle-même obsédée par son maintien au pouvoir à n’importe quel prix. C’est dans ce cadre qu’il convient de saisir l’alliance nouée entre une partie de LR de Eric Ciotti et le RN de Jordan Bardella. Malgré son excommunication par les siens pour s’être jeté fissa dans les bras du RN, le maire de Nice sait que le droite républicaine, dont le logiciel a été sérieusement contaminé par l’idéologie de l’extrême droite, n’a d’avenir qu’en jouant les supplétifs du RN. On ne flirte pas impunément avec le diable…
C’est dire que Mélenchon et ses alliés, le moindre mal par rapport au danger que représenterait l’extrême-droite au pouvoir, restent une alternative crédible en cas d’échec (prévisible) du lepénisme dans la gestion des affaires du pays. Face à l’extrême droite, Mélenchon incarne selon ses partisans l’extrême droiture. Continuer à diaboliser LFI parce qu’il dénonce la haine du musulman et défend l’avènement d’un État palestinien c’est prendre le risque de livrer complètement la France à la smala Le Pen…
Dans ce champ politique dévasté, la coalition des partis de gauche rassemblée au sein du Nouveau front populaire (NFP) apparaît comme le seul rempart contre l’extrême-droite.