Le Maroc en proie à la moutounmania

Cette BD illustre une culture bien ancrée dans les mentalités: la sacralité du mouton. C’est le même rituel qui se produit à l’approche de chaque fête du sacrifice. Le Maroc a beau multiplier les signes de modernité, la réalité finit par reprendre ses droits. Avec cette complainte que la bête est trop chère pour la bourse des démunis alors que le ministère des ovins assure de son côté que l’offre est largement supérieure à la demande. Ce qui devrait normalement pousser les prix à la baisse. Mais la loi du marché ne fonctionne pas au Maroc, surtout pour des business où le jeu du cash-cash tient le haut du pavé. L’informel est une bête insatiable !    Le petit peuple, censé ne pas disposer de moyens pour s’offrir des cornes à la mesure de ses aspirations, crie alors au caractère inflammable des prix. Ce qui ne l’empêche pas, malgré le dénuement qui le frappe de plein fouet, à se débrouiller, autre paradoxe insondable, le mouton de son rêve. Peu importe de savoir comment il s’y prend. L’essentiel c’est qu’il se sacrifie pour la fête du sacrifice. Se saigne aux quatre veines alors qu’il ne s’agit nullement d’une obligation religieuse pour faire couler le sang de la bête sacrée.

Pour un petit mouton de la taille d’un chat, il faut débourser en cette période de toutes les envolées pas moins de 3.000 DH et le double pour un mouton un brin respectable susceptible de taper dans l’œil de Madame. Gare au mari qui oserait rentrer à la maison sans le compagnon très convoité qui doit être visuellement plus grand et bien nanti en cornes que celui de la voisine. C’est à l’aune de ces réflexes qui ont la peau dure que l’on mesure in fine le degré d’évolution d’une société et surtout des mentalités.    

Dans les quartiers populaires, où la fête du mouton n’a rien perdu de ses habitudes (apparition des vendeurs de circonstance de charbon de bois, foins et autre attirail du boucher qui encombrent les rues…), tout le monde affûte ses arguments pour le grand jour. Arrivant à défier le dénuement, chacun se débrouille pour s’offrir son ovin qu’il sacrifie très tôt le matin. Le fumet de boulfaf emplit déjà l’air matinal dans des rues sales, jonchées de peaux qui se  décomposent déjà sous un soleil de plomb et investies par une bande de jeunes, en quête de petits métiers de circonstance pour se faire un peu d’argent de poche,  qui  grillent la tête dans des brasiers hautement polluants…  Ce Maroc-là, malgré ses pratiques que certains voudraient définitivement révolues, nous est aussi très chair…

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