Les professionnels de la filière voient rouge

Le marché national comme seul débouché n’arrange pas les affaires de cette filière agricole qui réclame la reprise des exportations. Explications.

Dans une lettre,  datée du 17 mars, adressée au ministre de l’Agriculture Mohamed Sadiki, quatre associations  agricoles ont annoncé leur retrait de la commission de suivi de la gestion de l’approvisionnement du marché national en tomates mise en place à l’initiative du ministre de l’Agriculture au lendemain de la flambée du prix de cette denrée très prisée par les Marocains. Objectif : contrecarrer cette hausse  qui commençait à faire jaser dans la population.  Dans leur correspondance, les associations, signataires de cette décision de retrait, l’Apefel, l’Ancefel, l’Amcom et l’ACPA,  font référence  à la réunion  de coordination avec les professionnels du secteur présidée par  Mohamed Sadiki du 14 février  au siège de la Chambre d’agriculture à Agadir. Les intéressés expliquent leur geste par « leur marginalisation en tant que représentants des professionnels du processus de prise de décisions monopolisé par les administratifs de la commission dans un sens qui va à l’encontre des réalités de terrain ». En termes clairs, les responsables des associations en question accusent les représentants du ministère de l’Agriculture de « fermer les yeux sur les instructions précises du ministre consistant à interdire l’achat de la tomate du marché national pour la réexporter ». Il parait que des opportunistes du commerce ont, malgré la consigne des autorités de tutelle,  les mains libres  pour siphonner le marché national de la tomate achalandé par les producteurs dans le cadre  de l’accord  avec le ministère pour  exporter une partie de la production à des prix plus élevés vers certains  pays d’Afrique subsaharienne et d’Europe. La marge à l’export étant plus intéressante que celle offerte par la vente sur le marché domestique.

Au lendemain de leur lettre  au ministre, un groupe de cultivateurs de la tomate dans le Souss ont manifesté à l’intérieur de la Chambre d’agriculture d’Agadir contre la suspension des exportations décidée par le ministère et qui est probablement à l’origine de la décision du retrait de la commission. Objectif des protestataires : réclamer la reprise de leur activité d’export pour, disent-ils, rentrer dans leurs frais, le prix de vente de leur marchandise avec comme seul débouché le marché national étant jugé en dessous des coûts de production. Les intéressés craignent aussi de perdre leurs clients étrangers qui représentent leur principale source de revenus au détriment de la concurrence. Tout le défi est de trouver un équilibre entre l’approvisionnement du marché local à des prix raisonnables et la poursuite des exportations. La lettre des associations professionnelles est d’ailleurs concomitante avec le retour de l’envolée des prix de la tomate constatée à partir du samedi 18 mars. Sur les étals des marchés, elle est vendue 12 DH le kilo après avoir retrouvé son niveau normal autour de 5 à 6 DH au lendemain de la mobilisation du ministère de tutelle qui a abouti, en concertation avec les représentants des opérateurs de la  filière de la tomate, à la  fixation d’un quota préliminaire  à l’export de 1200 tonnes.

Ce qui a permis d’approvisionner normalement le marché national et de stabiliser les prix après la période de la flambée née de la rareté de l’offre sous l’effet d’une hausse importante des exportations. La réduction de ces dernières a aussitôt  affecté particulièrement le marché britannique qui a connu pendant le mois de février une grosse pénurie en tomates. Selon les données de Comtrade la division des statistiques des Nations Unies (ONU), le Maroc est  le deuxième fournisseur de tomates au Royaume-Uni avec 97.330 tonnes exportées à fin 2021, soit  une hausse entre 2020 et 2021 des exportations de l’ordre de 33,68%.  La satisfaction de nouveaux marchés extérieurs s’est faite au détriment du marché local. Le problème est là. Mais pas seulement. Selon un opérateur du secteur, les tensions au sein de la commission de suivi du marché de la tomate, conjuguées à la décision d’appliquer, à compter du 1er février dernier, d’une TVA de 20% aux importateurs des intrants  et du matériel agricole (Voir le Canard Libéré n° 721), sont annonciatrices de nouvelles perturbations qui risquent de renchérir davantage les prix des légumes et d’éroder davantage le pouvoir d’achat du grand nombre. Le panier de la ménagère en feu. A ce rythme, le tajine pourrait intégrer le menu des repas de luxe…  

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